Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 janvier 2008 7 13 /01 /janvier /2008 09:01

Été 1944

 

Après les bombardements meurtriers du 14 juin, les combats de la Libération du 2 août n’amenèrent qu’un soulagement momentané pour les Saint-Hilairiens, qui subirent ensuite, indirectement le contre coup de la bataille de Mortain. Celle-ci échappe à l’objet de notre étude, mais ses prémisses la concernaient pourtant nommément. Seule une désobéissance du maréchal Von Kluge lui épargna, contrairement à Mortain, de se trouver de nouveau en première ligne. 

 

00001--3894-.jpeg

 

Le 31 juillet, à la Magentière en Bion, furent mis au point entre le maréchal commandant du groupe d’armées B et le général Hausser, chef de la 7ème armée, les préparatifs de la contre attaque exigée par Hitler, pour fermer le goulet Avranchinais par lequel s’était déjà engouffrée l’armée Patton. Dans la nuit du 6 au 7 août, le déclenchement de cette contre-attaque provoqua un nouveau bombardement aérien de Saint-Hilaire, cette fois par les Allemands. Sans do436.jpgute en raison de la couverture aérienne alliée importante, il fut beaucoup moins rationnel cette fois dans l’axe hôpital-carrefour central, mais frappa de nouveau durablement les esprits, comme le précisa l’abbé Bochef, rescapé on l’a vu des terribles moments du 14 juin " si la destruction fut beaucoup plus importante les 14-15 juin, nous avons vécu le 7 août, veille du déclenchement de l’offensive allemande sur Mortain un bombardement qui dura toute la nuit, détruisit une partie de l’hôpital, fit de nouveau des morts et terrifia la population parce qu’il fut beaucoup plus long ".  

Les avions bombardèrent en effet entre 23 h et 1 h du matin, les appareils allemands tournant sans arrêt, lâchant leurs bombes à intervalles réguliers. Ils s’éloignaient, revenaient l’un après l’autre, pourchassés par la puissante DCA américaine. Deux avions allemands furent abattus lors d’un combat aérien, l’un tomba à la Besnardière en Parigny et l’autre à la Simonais aux Loges Marchis.  

Des projectiles atteignirent des quartiers jusque-là épargnés comme le Bas de la Lande, les rues de Bretagne et Féburon. Là encore, des incendies se déclarèrent instantanément qui purent être maîtrisés après de longs efforts, et des démolitions judicieuses pour faire comme on dit " la part du feu ". Fort heureusement, plusieurs bombes n’éclatèrent pas, mais le centre hospitalier dûment identifié par sa grande croix rouge fut touché. Il y eut deux morts à Saint-Hilaire, Émile David et Mme Lenoir,Vve Desfeux; trois à Lapenty, le couple Émile Hamel et leur fils, et Yvette Laisné-Mottier décédée à Virey des suites de ses blessures lors du bombardement du 14 juin.  

L’opération allemande " Luttich " (Liège), nom de la contre-attaque allemande échoua, mais sur sa fin le 10 août, une grave menace pesait de nouveau sur la ville qui devait être le premier objectif d’une ultime attaque que Hitler, mécontent de son échec des jours précédents, voulait encore lancer vers Avranches. " Le but est le même, la direction seule change " disaient les ordres complémentaires que le groupe Eberbach devait mener à partir de Domfront attaquant " par surprise, en direction du Sud-Ouest ", et donc pile sur Saint-Hilaire ! Par bonheur, Von Kluge, trouva le projet irréaliste, et dans la soirée du 11, à minuit, sans même attendre l’ordre bien improbable de décrocher qui serait venu du Führer, ordonna le repli. Et pour plus de sûreté, il ne le transmit au haut quartier général que le lendemain… Quelque part, cet acte de désobéissance devait épargner de nouvelles épreuves à une petite ville déjà durement touchée. Elle s’installa alors dans un après guerre très inconfortable.  

Avec de puissants moyens, les Américains dégageaient aussitôt les grands axes encombrés par les ruines et peu de temps après d’interminables convois pilotés à vive allure traversaient la cité qui allait alors entrer dans l’après-guerre, le maire Gustave Guérin étant alors suspendu de sa charge le 4 août par le capitaine Rousselin, officier de liaison administrative, qui chargea provisoirement le Dr Cuche de la gestion de la commune.  

Le 10 août la délégation spéciale s'installa avec à sa tête le Docteur Daniel Cuche, et comme conseillers municipaux: Maurice Cauny, Armand Papin, Charles Jaunet, Anatole Angot, Henri Charles, Gaston Esnault, Eugène Cheval, Mme Blouet, Amant Feillet, Louis Desloges. Elle tint sa première séance le 18. Cette délégation spéciale dont le Docteur Cuche était le benjamin était composée de personnes nommées pour leur participation à la Résistance ou leur réputation d’intégrité : MM. Angot, Cauny, Charles, Cheval, Jaunet, Papin, étaient déjà conseillers municipaux, et M. Feillet avait été adjoint dans les municipalités Lelièvre et Guérin.

Le 21 août, les services de la reconstruction (M.R.U) s’installaient chez Mme Guillon, rue de Bretagne jusqu’en 1947.  

La vie paroissiale s’était maintenue grâce à l’activité de l’abbé Bochef resté seul, on l’a vu, et dans quelles dramatiques conditions. Le service religieux s’était très vite organisé à Laumondais jusqu’au 6 août, avec annexes à Leplu où s’étaient repliées les Clarisses et à la Coderie. Cinq messes étant assurées chaque dimanche. La salle du patronage ou Cercle Catholique fut transformée en chapelle paroissiale en août (elle le resta jusqu’en 1952). Les Clarisses firent leur retour au monastère le 22 septembre.  

La communion solennelle 456-d--tour--.JPGqui n’avait pu, et pour cause, avoir lieu en juin fut célébrée le 24 septembre avec 132 communiants par un temps épouvantable dans le hangar de M. Lehec, rue du Gué, bâché hâtivement pour la circonstance. Le chanoine de Brix vint remplacer le 3 septembre, le doyen Roblin défunt mais il n’y fut officiellement installé que le 8 octobre, la cérémonie ayant lieu, elle aussi dans le hangar Lehec. Le président de la Délégation Spéciale, en l’accueillant, résumait bien l’ampleur de la tâche : " nous reconstruirons donc. La ville est un être vivant possédant une âme collective, tandis que nous œuvrerons sur le plan matériel, l’Église apportera son plus large concours à la difficile reconstruction des valeurs morales ".

 

Les soucis de la Délégation Spéciale, au travers des archives que nous avons pu consulter sont en effet très terre à terre : lutte contre le marché noir (lettre au préfet du 9 septembre), demandes de carburant au directeur des services agricoles de Coutances (20 septembre), réduction des contingentements de blé (lettre au préfet du 22 septembre). Les communes rurales voisines étaient accablées de réfugiés, et certaines avaient dû battre au fléau pour se procurer du blé dès maturité. Il semblait donc inutile de parler de contrainte tant que les moyens de battre (essence notamment) n’étaient pas fournis et que les boulangers de la Mayenne venaient vendre du pain dans le canton ! pas de problèmes par contre pour le cidre, les pommes et les bestiaux, tant que là encore, on ne parlait pas de réquisitions " à notre marché du 13 septembre, concluait le Dr Cuche, il y avait abondance de veaux. Au marché suivant, après annonce des opérations du ravitaillement, il n’y en avait plus … "  

La visite du commissaire régional de la République M. Bourdeau de Fontenay, accompagné du préfet Lebas, le 10 octobre, permit outre les festivités joyeuses de la liberté retrouvée, de faire le point sur d’importantes mesures administratives prises peu de temps auparavant. L’office de relogement avait été créé le 2 septembre, immédiatement suivi le 6 de l’établissement d’un plan topographique des ruines.

  Le déblaiement avait commencé très vite, et le premier programme de reconstruction d’urgence fut décidé le 11 novembre sous les auspices de l’ingénieur TPE Jacquet. Entre temps plusieurs décisions urgentes avaient été prises : école des garçons transférée au Sacré-Cœur, deux classes des écoles privées installées chez M. Pioger rue de Paris, et rentrée pour tous, après de très longues vacances, le 6 novembre.

  La vie économique reprenait avec une salle de l’hôpital réservée à la banque Société Générale, les services architecture-urbanisme logés au 27 rue de Bretagne, la pharmacie Guérin transférée Bld Gambetta, la pharmacie Tharaux chez Mme Chaumont rue de la République, la pharmacie Courtois chez Mr Lesage rue de Paris, les PTT dans l’immeuble Feuillet rue d’Evreu, et même le cabinet dentaire Jamot dans la partie Sud de l’Hôpital.  

En décembre démarrèrent les premiers baraquements pour les commerçants.  

Comme partout en France, à la même époque, celle dite de " l’épuration ", se réglèrent à Saint-Hilundefinedaire quelques comptes. Il y eut quelques femmes tondues qui avaient eu le malheur d’approcher de trop près l’occupant, mais peu de cas de collaboration notoire comme celui raconté dans le chapitre Résistance. Pour cette dernière, et pour clarifier qui, vraiment avait fait quoi, le 25 août 45, le comité de libération du canton adressa au président de la commission militaire de la Manche la listede tous ceux qui, de son avis, pouvaient prétendre à l’attribution de l’insigne FFI. Ils étaient 21, représentant les deux grandes tendances à Saint-Hilaire (groupes Blouet et Cheval) qui, comme on l’a vu, furent les grands acteurs de la période mouvementée de mars à août 44.

   

 

Partager cet article
Repost0
7 juillet 2006 5 07 /07 /juillet /2006 19:40

Comment m'est venue l'idée d'écrire un livre sur ma ville

SAINT HILAIRE DU HARCOUËT ?

 

   Au départ, je n'ai pas de prédisposition d'historien, je suis collectionneur de cartes postales anciennes.
   Cette passion a commencé il y a une dizaine d'années à l'occasion d'une brocante à la Chapelle Urée, petit village prés du Grand Celland (Manche).
J'ai eu la chance de trouver quelques cartes de mon village natal Montgothier, mais trés vite j'ai élargi ma recherche au canton d'Isigny le Buat, puis ensuite de Saint-Hilaire.  mais que faire de tous ces magnifiques clichés ?
  En 2000, je propose à l'Office de Tourisme d'organiser une exposition sur le thème " A la recherche du temps passé" avec la participation de toutes les communes du canton. L'exposition obtient un succés important avec une fréquentation de 5000 personnes sur 2 semaines.

   Au passage de l'an 2000, de la rencontre de passionnés d'histoire locale venus d'horizons différents est née l'idée de ce livre : « Saint-Hilaire au fil du temps ». Je pensais d'abord me limiter à l'histoire contemporaine, au XXème siècle. Il est riche en événements majeurs qui on bouleversé la ville (bombardements, reconstruction) et aussi en profondes mutations socio-économiques, en nouvelles technologies qui ont donné à l'agriculture, aux communications, aux conditions de la vie quotidienne et, partant, aux moeurs un nouveau visage. Dans cette perspective, il devenait difficile de commencer notre ouvrage en 1900. Sans  vouloir copier d'illustres prédécesseurs, comme l'Abbé Cosson, il fallait prendre en compte les enseignements du passé porteurs des prémices annonçant, parfois expliquant, ce siècle.

    Je me suis donc attelé à ce « fil rouge » chronologique à partir d'une énorme base de documentation accumulée au fil des ans et mise à la disposition d'un journaliste encore en activité, Pierre Lefeuvre, mais fortement sensibilisé à l'histoire locale par la tenue d'une rubrique sur le sujet depuis des années dans l'hebdomadaire du cru. Ce tandem se complétant harmonieusement par le témoignage et la rigueur historique sur la période contemporaine d'un  Saint-Hilairien, Roger Blanchais, doté d'une longue expérience d'élu de la Ville.

   Nous aurions pu, accumuler les photos de classes, de conscrits, envisager d'aller jusqu'au canton, ne serait-ce que pour élargir les pôles d'intérêt. La somme de documentation disponible nous a vite recadrés à l'objectif initial : la ville de Saint-Hilaire. Peut-être demain, si la nécessité s'en fait sentir nous étudierons dans un autre ouvrage la vie associative de ce siècle, par force seulement effleurée dans cette édition. Nous n'en sommes pas encore là, et nous espérons seulement, à travers le fruit de ce travail véritablement d'équipe, commencé au Printemps 2003, avoir aidé à la compréhension d'une communauté humaine finalement assez originale.

   Au carrefour des trois provinces, Saint-Hilaire n'avait pas forcément les atouts administratifs de certaines voisines mieux dotées par l'Ancien Régime, puis la République naissante. Ville de passage, donc de commerce, à l'esprit plus ouvert comme ses élus largement « progressistes », elle fut une des premières à avoir l'électricité, le chemin de fer, quelques usines, sans perdre sa spécificité de pôle rural si bien résumé par la belle formule née après-guerre de « ville de la campagne ». Elle sut se relever de ses ruines et rebondir, et est devenue grâce à sa dynamique de progrès intacte, malgré la conjoncture guère favorable, après Avranches (qui regarde vers la côte, et guère  vers son arrière pays) la vraie capitale actuelle du Sud-Manche.

 

 LE LIVRE "SAINT HILAIRE AU FIL DU TEMPS" EST DISPONIBLE EN MAIRIE,A L'OFFICE DE TOURISME ET DANS LES LIBRAIRIES DE SAINT HILAIRE DU HARCOUET AU PRIX DE 20 euros + 8 euros FRAIS D EXPEDITION

 

VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR LE LIVRE ADRESSEZ MOI UN MESSAGE     
g.dodeman@wanadoo.fr

  C'est à partir de cette époque que l'idée m'est venue d'écrire un livre sur l'histoire de Saint-Hilaire, ayant en ma possession suffisement de photos et de cartes postales pour illustrer l'ouvrage. 
   Maintenant le plus difficile restait à venir : retrouver le peu de livres ayant déjà traité du sujet, consulter aux archives départementales de St Lô tous les journaux du "Glaneur de la Manche" depuis sa parution en  1878, prendre en compte toutes les "Gazette de la Manche" depuis 1947, consulter de nombreuses personnes ayant des connaissances sur des sujets bien précis, etc..
  Aprés la création d'une base de données importantes de plus de 2000 photos, je décidais il y a 4 ans d'écrire la biograhie de Saint-Hilaire depuis son origine, en 1083, juqu'à maintenant. 

Partager cet article
Repost0
6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 16:27

1083

  est la date communément retenue de la naissance de Saint-Hilaire. C'est celle, officielle, du moment où s'associent la puissance militaire du duc de Normandie et la puissance économique montante de l'Église avec ses abbayes naissantes. Sur les terres de celles-ci, le hameau de Laumondais et le petit monastère du Prieuré se placent sous la protection du château qui se bâtit à la confluence de deux rivières impétueuses, la Sélune et l'Airon, et rassemble autour de lui peu à peu une nouvelle agglomération. Nous sommes encore loin des villes que sont déjà Avranches, Mortain, voire Saint James , mais tout semble réuni pour favoriser le destin de la petite cité naissante. 

    Remontons cependant un peu le temps. Contrairement à Avranches, cité gallo-romaine avérée par les textes, mais aussi par les fouilles des XIXème et XXème siècle, rien n'indique ici un antique peuplement. Toute la région a certes été pacifiée et structurée à l'époque gallo-romaine. On y a construit des voies, des relais d'étapes, certainement les premiers défrichements, mais l'anarchie du Bas-Empire a  sûrement effacé ou pour le moins estompé ces premiers efforts de civilisation. La christianisation qui se développe au Vème siècle, puis l'administration carolingienne redonnent un cadre à ces populations éparses dont la relative tranquillité est respectée jusqu'à la fin du VIIIème siècle. Ensuite débutent les invasions vikings qui vont remodeler puissamment tout l'Ouest du pays.     

    Depuis 867, les Bretons sont chargés de défendre le Cotentin. En 911, Charles le Simple décide de vaincre le mal par le mal. Par le traité de St Clair sur Epte, il cède ce qui sera la « Normandie » à un chef Normand, Rolf le Marcheur, le futur Rollon qui accepte le baptême. En 933, son fils Guillaume longue épée obtient le Cotentin et l'Avranchin, à charge pour lui d'en repousser les Bretons qui tentaient d?agrandir leur pré carré. La future Normandie, entre Bresle et Couesnon prend forme. La confluence de la Sélune et de l'Airon est aussi celle de plusieurs anciennes voies très fréquentées qui passent aux pieds de la  presqu'île, futur emplacement de la ville. 

      Le contexte militaire qui a présidé à la fondation de la ville apparaît d'entrée du fait qu'elle ne possède pas de seigneur originel et que Robert Comte de Mortain y nomme directement un de ses compagnons Harsculphe. Dans le même temps pour dynamiser l'établissement naissant, il faisait donner du terrain (une vergée de terre soit 2000 m2, ce qui prouve que le pays n'était guère peuplé), à chaque personne venant s'y établir.   

     Harsculphe, originaire de Saint-James (fortifiée en 1065), participa à la conquête de l'Angleterre, il signa de nombreuses chartes et mourut sans doute très âgé en 1130.

 

 photo ci-contre : Guillaume le Conquérant entouré de l'Evêque Odon et de son demi-frère Robert, Comte de Mortain, fondateur de la ville de Saint Hilaire (détail de la tapisserie de Bayeux).

 

 

 

   LA CHAPELLE SAINT-YVES 

       

 

 

   LA GUERRE DE CENT ANS                 

    La guerre de Cent ans où s'illustre Du Guesclin amène son lot de désolation : Saint-Hilaire est submergé par l'invasion des Anglais en 1425 et Guillaume Montquin,  chevalier Anglais, en renforce les défenses (comme celles de Saint-James), notamment avec une demi-lune signalée comme « rue de la Bretaiche » (actuelle rue Lecroisey). La place est reconquise en 1449 par le parti Français, sans doute en ayant subi de grosses démolitions du fait de l'artillerie naissante. On peut dater de cette période la reconstruction au château du grand corps du logis désigné comme « de présent en ruines » en 1601.

Le fief est revenu aux de la Ferrière qui se ruinent dans les guerres d'Italie et par une vie fastueuse à la cour sous François 1er et Henri II et ils le vendent (3.343 écus) aux de Poilley (1598-1601) grand bailli de Mortain.  Le bourg partiellement incendié en 1488 avait été refait, mais manoir et colombier étaient en ruines. Outre le marché du mercredi, on note 4 grandes foires : Saint-Martin, Saint-Blaise, Pâques fleuries et Saint-Gilles. On vit sous la coutume de Normandie avec clameur de haro, droit de justice patibulaire pour un grand fief qui a peu ou prou les mêmes possessions au Mesnil-Bœufs, où les de Goué font aveu, Navetel aux Gosselin, le Fresnet aux Poret, les Brullais en Sourdeval aux Lebreton, le Mesnil-Rainfray aux Guirault.

 

   Militaires et diplomates, les de Poilley étaient des personnages considérables, Jean était le fils d'un colonel d'Henri II mortellement blessé au siège de Poitiers que son alliance avec Jeanne Lemoyne, de Sourdeval, dame d'honneur de la reine Louise avait amené dans le comté de Mortain. Il avait succédé à son beau-père comme grand bailli du comté. Une grosse charge, soit l'exercice au nom du roi de la puissance militaire, judiciaire et en partie financière de toute la région. Jean de Poilley (qui meurt en 1625), gentilhomme de la Chambre, conseiller d'état et privé avait négocié au nom du Roi avec le duc de Mercoeur, représentant la Ligue et en récompense, Poilley avait été érigé en baronnie. Son fils Henri, élevé avec le dauphin, futur Louis XIII, porta l'épée aux sièges de Montauban et de Montpellier. Estropié à vie en 1622 au siège de la Rochelle, tué à Damvilliers en 1637, il avait épousé Jeanne Louise de Péricard dont le père était ambassadeur en Flandres et conseiller d'état du roi. Leur enfant, François (mort en 1677) fut le 3ème grand bailli du nom à Mortain en un demi-siècle avant Louis Henri, marquis en 1691, dont la fille épousa en 1697 Pierre Guy du Bourblanc, marquis d'Apreville. 

   Si les de Poilley, ont peu résidé au château de Saint-Hilaire, on l'a vu en mauvais état lors de l'achat, ils l'ont assurément rénové et modifié selon le goût du XVIIème siècle, travaux sans doute achevés vers 1650, mais il n'abritait pas grand monde comme le montre ce fait divers de septembre 1641 où un gentilhomme de Condé, le sieur de Samoy qui s'en retournait de Rennes avec une suite peu nombreuse fut pris à partie à l'hôtellerie de la Croix Blanche par une troupe de mauvais sujets entraînés par un angevin nommé d'Aubigny. Ils furent poursuivis jusqu'au château où ils vinrent chercher refuge près de la comtesse douairière Jeanne Louise de Péricard. Il n'y avait avec elle que deux demoiselles, quelques servantes et pour seul homme de la maisonnée, un vieux jardinier nommé Roussel que les malandrins prirent même en otage, le sieur de Samoy ayant heureusement filé à l'anglaise par une porte dérobée…   

  Saint-Hilaire, s'est  particulièrement développé après  le rattachement de la Bretagne à la France, retrouvant au plan économique ce qu'elle avait perdu au militaire. Quelques chiffres le montrent : en 1396, Saint-Hilaire n'était sans doute imposé que de 42 livres quand Avranches l'était à 92… mais ses plus proches voisins, Parigny et Martigny ne l'étaient qu'à 20 !  

    Côté clergé, le 1er août 1696 à l'occasion de la visite pastorale du savant évêque d’Avranches Daniel Huet, il y avait 3 confréries (du St Sacrement, du Rosaire, du Scapulaire) et deux chapelles en exercice : St Blaise et St Yves. 

   A la fin du XVIIème siècle, on comptait 1.212 habitants et, l'intendant Foucault notait que tous les ponts étaient en bois et en mauvais état, que la réparation des grands chemins s'imposait car ils étaient devenus impraticables, ils empêchaient le transport des denrées et ruinaient le commerce.  

    A partir de 1750, la population s'accroît fortement comme il n'y a pas d'industries notables et seulement 32 artisans, on peut donc penser qu'avec l'amélioration des voies de communication, les marchés et foires se sont intensément développés, ce que semble indiquer l'imposition des propriétaires de la commune : 90 livres, c'est la plus grosse somme de l'élection de Mortain, loin devant Brécey (30 livres) ou Isigny (12 livres) en 1749.  

    Dans cette période de stabilité, plusieurs de ses enfants deviendront des personnalités de premier plan :  

  Nicolas Montier, curé de 1676 à 1696 qui, de son temps passait pour un saint.     Jean Pontas (1638-1728) célèbre casuiste.  

  Jacques-Anne Lerebours-Pigeonnière (1740-1826), député et longtemps juge de paix du canton.     Charles Marie du Bourblanc, dernier possesseur du château de Saint-Hilaire.  

  François Bécherel, né à Saint-Hilaire en 1732, curé de St Loup et évêque de Valence en 1815 connut la période révolutionnaire.

 

 

                                                        LA REVOLUTION

 

 

       Bouleversement à la fois administratif et social, la Révolution ne s’est pas faite au début dans la violence, ni à Saint-Hilaire, ni ailleurs dans ce département dont les trois ordres des bailliages du Cotentin et de l’Avranchin s’étaient réunis à Coutances, dans la nef de la cathédrale, le 16 mars 1789. Ensuite, le changement alla bon train, le Tiers État se déclarant en Constituante le 9 juillet, et les biens du clergé confisqués le 2 novembre pour garantir les assignats.

A Saint-Hilaire, la première séance des citoyens dits « actifs » eut lieu dans la vieille église le 9 décembre 1790 sous la présidence du notaire Denis Bréhier qui devint le premier maire « républicain », succédant à Jacques-Anne Lerebours Pigeonnière, premier « maire  » à l’établissement des municipalités en 1787. M. Lerebours, qui était avocat depuis 20 ans au bailliage, devint membre de la première administration départementale, juge au District de Mortain, et le 10 septembre 1791 député à l’assemblée législative.  

   Les premières déclarations, toutes empreintes d’Égalité et contre « le préjugé barbare de la naissance » suffirent à alarmer une ancienne noblesse encore bien présente, les Corbelin ou Corbin, Fortin, et bien sûr le seigneur du lieu, Charles Marie Henri du Bourblanc d’Apreville, officier de Marine qui s’était marié un an plus tôt (16 mars 1790) avec la fille du marquis de Géraldin, grand bailli de Mortain et dont les possessions s’étendaient sur Buais, Saint Symphorien, Lapenty. Il émigra donc en 1791, sage décision, pour ne revenir à Saint-Hilaire que onze ans plus tard en 1802. On verra par la suite, à la Restauration, après son décès que c’est, des dispositions prises sur son ancien domaine que se dessina le visage du Saint-Hilaire d’aujourd’hui.  

  Le curé Crespin qui attendait le doyenné depuis 1783 s'est prononcé résolument contre la Constitution civile du clergé, tout comme les autres prêtres du canton. Le 13 août 1791, à la faveur d'un orage, le doyen et ses vicaires s'échappent secrètement vers la Grande-Bretagne, tout comme le châtelain du Bourblanc.

  

 

 

  LA CHOUANNERIE 

 

     En octobre 1793, Joseph Bécherel, Président des administrateurs du district de Mortain, intima l’ordre à Denis Bréhier d’effectuer l’inventaire du château du « ci-devant du Bourblanc, émigré ». En avril, il avait fallu procéder de même pour la vente du mobilier laissé au château du Jardin par Madame de la Champagne, elle aussi partie à l’étranger. A la fin de cette  « année terrible » 1793, ce fut le passage de l’armée vendéenne dans sa fameuse « virée de Galerne » qui mit en ébullition toute la région, mais épargna Saint-Hilaire puisqu’elle passa à l’aller par Fougères - Saint James –Pontorson - Avranches avant de buter sur le siège de Granville, puis Granville – Avranches – Pontorson – Dol - Antrain, au retour.  

    A la disette, s’ajoutèrent ensuite les affres de la guerre civile (1) et les combats de la chouannerie naissante. Prêtres « intrus » et « réfractaires » se disputèrent les faveurs de la population, largement fidèle en fait à la foi de ses ancêtres. Saint-Hilaire fut marquée par l’apostolat clandestin du curé Prével, tué plus tard en 1795 aux Biards, et, c’est dans ses murs que vint agoniser mi-1794 l’abbé Guérin, malade, intercepté chez lui au Mesnil-Thébault par les patriotes de Virey. Les campagnes étaient largement acquises à la cause royaliste, les communes, et plus encore les chefs-lieux, dotés d’une Garde Nationale, milice communale active sillonnèrent en tous sens la région, et en particulier les « colonnes mobiles » constituées de leurs éléments les plus jeunes et les plus motivés. Ils furent donc en première ligne lorsqu’il fallut affronter les Chouans comme en 1797, où au nombre de 300, les Républicains Saint-Hilairiens tentèrent de bloquer Saulcet, un lieutenant de du Boisguy faisant halte au Mesnil-Bœufs avec un chargement de munitions débarquées par les Anglais entre Carolles et Granville. Alertés par le tocsin qui battait sans cesse aux alentours, les chouans montèrent une embuscade meurtrière au Petit-Jésus, et les territoriaux formant la tête de colonne, en se rejetant avec précipitation sur les troupes de ligne, les entraînèrent dans leur déroute jusqu’à Saint-Hilaire. 

    Toute cette période a marqué la mémoire populaire, largement enjolivée par la légende, voire l’imagination d’écrivains féconds. C’est au Chêne-Cornard, entre Martigny et la Valtorine en Parigny que l'on place l'épisode fort controversé de l’assassinat du laboureur Boutry dont le méchant républicain Lalonde convoitait la chaste fiancée. Et sur la route de Saint-James, au Vérolay (actuellement la carrière du Vauroux) l’éminent historien, le chanoine Bindet de Virey a fait litière du joli conte de la « roche » ou de la « tonnelle aux Chouans », né sous la plume, en 1887 de l’homme de lettres Henri Datin. Là aussi, il s’agit d’une idylle contrariée, et se terminant tragiquement entre un noble émigré, revenu chouanner au pays et une promise poursuivie par les assiduités d’un ignoble patriote, et qui préfère rejoindre l’élu de son cœur dans la mort. « Que l’histoire est donc difficile à établir lorsque les romanciers s’en mêlent » put ajouter l’érudit historien de Virey, faisant remarquer que Barbey d’Aurevilly avait employé les mêmes procédés pour magnifier le rôle du chevalier des Touches…  En 1799, les Chouans menaçaient malgré tout encore la ville, en témoignent plusieurs lettres de l’administration municipale qui, en 1800 passa sous l’autorité du Docteur Jean-Marie Delaroche. Le danger s’éloignait cependant, et la nouvelle municipalité put se préoccuper des écoles et de rétablir les finances locales. Le concordat (1801) apporta progressivement la paix religieuse, et le retour du seigneur de Saint-Hilaire en 1802, qui, devant son château ravagé par toutes ces années de trouble, se retira à Saint Symphorien où il devint d’ailleurs maire (22 septembre 1811). C’est de cette période, (municipalités Lebel jusqu’en 1814, puis Jean-Marie Delaroche en 1815) que s’est dessiné le futur centre ville de Saint-Hilaire avant, bien sûr, les funestes bombardements de juin 1944. Les ecclésiastiques qui avaient échappé à l’exil firent petit à petit leur apparition, la vie allait retrouver son cours normal, on rouvrait les églises. Celle de Saint-Hilaire était en très mauvais état, deux des trois cloches avaient disparu dans la tourmente révolutionnaire, réquisitionnées par la nation pour en faire des canons. Le presbytère avait été affermé en 1801 comme propriété nationale pour neuf années si bien que la municipalité fut obligée de louer une maison sise au bas du marché aux vaches, en face de la rue des Morts pour y recevoir le clergé.

 

 

 

                          LE DERNIER CHÂTELAIN

   Rue du château, place de la Motte, rue St-Blaise, des noms qui peuvent étonner les visiteurs curieux de notre petite ville car ils rappellent l'Ancien Régime, mais à Saint-Hilaire, celui-ci est moins loin qu'en d'autres lieux car la ville a conservé son châtelain jusqu'en 1839, ce qui n'est pas si ancien. Il se nommait Charles-Marie du Bourblanc d'Apreville, marquis, descendant  d'une famille qui détenait le domaine de Saint-Hilaire depuis 1697. Né le 30 novembre 1766, il se maria le 16 mars 1790 avec Antoinette de Géraldin, une des filles du grand bailli de Mortain apportant en dot un fief important qui rassemblait autour du château de St-Symphorien, Buais et Lapenty. Le couple, sans enfant, habitait alternativement les deux châteaux. Saint-Hilaire cependant ne pouvant rivaliser avec la demeure des de Géraldin.

    Le château de Saint-Hilaire au Nord, gardait quelques traces des anciennes constructions du XIVème siècle, et au centre un corps de logis Louis XIII à grosses pierres apparentes. « L’ensemble du château avec ses quatre grosses tours, une à chaque angle avait bon aspect, mais les murs de granit roux foncé le rendait de sombre apparence » dit H. Sauvage dans la Revue du Mortainais (1913). En revanche, le corps central était composé de pierres biseautées de grand appareil en beau granit bleu. Devant, était l’emplacement de l’ancienne motte féodale (la place de la Motte, les parkings actuels juste devant l’église), propriété exclusive du seigneur qui l’ouvrait au public pour les marchés parce qu’il en prélevait les droits de place, mais la fermait aux voitures. On y entrait par deux portes : une vers l’entrée de la rue de la Motte, l’autre du côté de la rue des Morts. Derrière le château il y avait ce qu’on appelait « le Domaine » : jardins potagers et d’agrément, douves à sec, cimetière et chapelle St-Blaise (détruite vers 1815) dans le jardin du presbytère qui aboutissait au chemin de Savigny, aux environs de la moderne école des Frères. Cette vaste propriété allait du chemin de Savigny jusqu’à ce qui est maintenant la rue de Paris, et la pointe des boulevards qui furent tracés en 1845. Charles-Marie du Bourblanc petit homme maigre qui avait été officier de marine, était particulièrement apprécié de la population et ne fut pas inquiété à la Révolution. Son père Pierre-François-Marie émigra au tout début de la Révolution, et lui avant fin 1792. Le maire de Saint-Hilaire, Charles Victor Lebel était un modéré qui lui donna même un passeport pour gagner la côte sous des habits de paysan. Mieux même, reconnu à Pain d’Avaine par le capitaine de la Garde Nationale, Miquelard, il ne fut pas arrêté tant il était estimé dans tout le pays, même au-delà de Saint-Hilaire. Il rentra en Normandie en 1802, ayant chouanné avec de Frotté, chevalier de St-Louis. L’inventaire du château en 1793 montre cependant que Saint-Hilaire n’était qu’un pied à terre. Trois domestiques le gardaient encore, literie et vaisselle étaient médiocres. Il en était tout autrement à St-Symphorien où on trouva beaucoup d’argenterie. Après la Révolution, le château fut loué à la ville qui y installa la mairie  et le collège, et le seigneur de Saint-Hilaire n’est cité ensuite que le 2 août 1828 pour la pose de la première pierre de l’hôtel de ville tout neuf qui se situait à l’emplacement actuel du cinéma Rex. La marquise d’Apreville, ceinte d’un tablier de satin blanc y officie avec une truelle d’argent et un petit marteau du même métal. Elle mourut le 31 mai 1834 à l’âge de 58 ans, à Mantes, dans la région parisienne, de la variole, selon le chanoine Pigeon. Son mari, le vieux marquis, résidait alors à St-Symphorien, mais venait régulièrement à Saint-Hilaire, notamment le mercredi, jour du marché où il aimait se faire inviter à la table de ses amis. Fantasque, il en intriguait plus d’un quand il invitait à St-Symphorien, où il avait pour compagnon un grand singe en jaquette rouge et tablier blanc qui suivait en tout, les gestes des domestiques ! C’était tout simplement la mode de l’époque, comme maintenant celle des serpents ou des mygales !  

Il mourut le 7 janvier 1839 à Paris, des suites d’une opération de la gravelle (lithiase urinaire). Comme il n’avait pas d’enfant, les biens, côtés St-Symphorien, donc de sa femme, allèrent à Madame de Villiers (née Marie-Anne de Géraldin) et pour Saint-Hilaire, à des cousins qui le revendirent 170.000 Francs au marchand de biens Abel Cahour. Il s’empressa de donner à la Fabrique  l’emplacement pour construire l’église neuve, et à la Ville, tous les terrains nécessaires au tracé des Boulevards actuels : de l’Est et du Centre que l’on appelle actuellement Victor Hugo et Gambetta. Les derniers pans de murs du château restés debout avaient été démolis par mesure de sécurité en 1863

 

   

De 1812 à 1820, d’importants travaux furent effectués : ·  restauration de l’ancien presbytère, près de la vieille tour en 1812. · début du percement de la grande route Saint-Hilaire-Domfront en 1817 et démolition de la chapelle Saint Blaise et du cimetière attenant, ce dernier sera transféré le 15 novembre 1821 à son emplacement actuel, rue de Paris. · construction du pont d’Airon en 1819. 

   Tous les maires : Pierre Lerebours-Pigeonnière (1819), Ruby (1821), Jenvrin (de 1825 à 1830) se préoccupèrent alors d’un urbanisme galopant lié à la démographie (2.400 habitants en 1818, 3.975 en 1845) et à l’industrie naissante. Les premiers travaux d’adduction d’eau datant de 1828, tout comme la pose de la première pierre du nouvel hôtel de ville le 2 août à l’emplacement actuel du cinéma « Rex ». L’année suivante, l’eau jaillissait du bassin central.

     A Saint-Hilaire, la chapelle Saint-Yves, nous ramène en un temps où la route d’Avranches à Granville ne passait pas aux Iles, mais justement ici, après Marly. Dans la période médiévale, Saint-Hilaire, sur la butte au confluent de la Sélune et de l’Airon était protégé, surtout l’hiver par les marécages entourant la ville.    C’est donc ici, au Pont Saint-Yves que l’entrée Nord de la ville rejoignait tout à la fois l’ancienne voie romaine de Corseul qui passait à Parigny et surtout plus haut, après le Chêne Cornard vers Martigny l’ancienne voie séculaire dite « de Brunehault » également chemin montois, venant de Barenton et allant vers Avranches via « le Grand-Chemin » . Tout donne d’ailleurs à penser, pour les raisons énoncées plus haut (marécages, manque de place sur la butte autour du village et du donjon) que les premières « St-Martin »  eurent sans doute lieu là-haut dans les grands champs jouxtant Martigny avant de rejoindre la ville mieux organisée pour la période médiévale. La St-Macé de St-James fit d’ailleurs un peu de même.  Ce point stratégique que l’on passait sans doute d’ailleurs à gué primitivement, fut nanti d’un pont de bois, sans doute plusieurs fois coupé et reconstruit souvent lors des guerres, et d’une chapelle construite selon Desroches fin XIVème siècle et donc contemporaine de celles d’Isigny et de Villechien. Comme elles, elle relèvent de la réorganisation tridentine de l’Église après les guerres de religion visant à « occuper le terrain » . Elle relevait du seigneur du lieu pour la présentation, et la paroisse s’y rendait de temps immémorial en procession le mardi des Rogations (cette coutume a subsisté jusqu’au départ du chanoine de Brix en 1969). Elle tomba vite en désuétude car l’évêque Daniel Huet d’Avranches lors de sa visite pastorale du 1er août 1696, venant de Savigny signalait bien « nous a été dit que dans la paroisse il y a deux chapelles celle de Saint-Blaise, et celle de Saint-Yves sur la Sélune ; les avons interdites à commencer au jour Saint-Michel prochain, jusqu’à ce que les titres nous en aient été représentés » .    Ces visites pastorales veillaient à mettre de l’ordre dans le fonctionnement des paroisses, à vérifier le bon état des bâtiments et des ornements sacerdotaux, et surtout veiller à l’encadrement des fidèles. La profusion de chapelles vaguement desservies, attachées à certaines superstitions, quasi « autonomes » n’étaient pas faites pour arranger les diocèses qui reprenaient tout en mains.    Assez éloignée, d’accès malaisé cela accentua sans doute sa ruine. Sous l’Empire la route était dans un état déplorable, et le pont tellement vermoulu que deux habitants de Virey  faillirent perdre leurs chevaux,  enlisés, en voulant passer à gué dans un pré voisin ! Fin XIXème elle était à l’état d’abandon, et Louis Jenvrin dont les propriétés étaient contiguës proposa de la restaurer à ses frais, mais l’administration communale s’empara de l’affaire. Finalement les familles Saint-Yves et Lehaguais réclamèrent et obtinrent l’honneur de relever les murs de l’édicule sacré bien remis en valeur depuis le remembrement de 1990. Même s’il n’est plus en usage à la paroisse depuis la guerre, il symbolise bien, à une de ses entrées, le riche passé spirituel de la cité Saint-Hilairienne. 

   "Avec sagesse et prudence, comme c'est l'habitude dans l'Église, on a décidé de consigner dans des écrits dignes de foi, les événements la concernant, pour les transmettre à la postérité. C'est pourquoi nous avons eu la pensée de faire savoir que Robert, comte de Mortain, frère de Guillaume, roi d'Angleterre et duc de Normandie, a fait construire un château fort sur la terre de Sainte-Marie et de Saint-Benoît, le confesseur. Pour que les religieux y vivent librement, le dit comte leur a reconnu la dîme des bourgeois de toute la ville, avec toutes leurs coutumes. Pourtant le dit comte se réserve le droit de s'héberger chez les habitants en cas de nécessité avec l'autorisation des religieux. En outre, il leur a reconnu toute la dîme des revenus des foires et marchés et cela librement et sans entraves, pourvu qu'ils ne quittent pas le pays. Les religieux ont, dans le château, la mouture des moulins, les revenus des fours, tout ce qui dépend de l'Église, à savoir la dîme, les sépultures et les autres oblations habituelles. Puisque les religieux étaient possesseurs du terrain, avant la construction du château, le dit comte leur a reconnu cette propriété comme s'il avait construit le château pour eux, et le nom du château est celui de Saint-Hilaire. Les religieux donneront à tous les bourgeois qui viendront s'y fixer, une verge de terre pour s'y installer. 

  Michel, évêque d'Avranches a donné son consentement conformément à la justice et à la loi, avec le consentement du roi Guillaume, de Robert fils du roi, de Gilbert évêque de Lisieux, Robert comte de Mortain, Hugues abbé de Cerisy, Guillaume fils du roi, du vicomte Eudes.       Au dos de l'original on a écrit : cet acte a été fait du consentement et par ordre du sire Guillaume, roi d'Angleterre et duc de Normandie, l'année de l'Incarnation du Seigneur MLXXXIII, la dix huitième année de son règne." Pour confirmer cet acte, il l'a signé de sa propre main et scellé de son sceau ; avec l'assentiment de ses fils, Robert et Guillaume qui ont eux-mêmes signé, le V des ides de janvier. 

     Malgré ses qualités défensives, inaccessible côté Bretagne sur son escarpement naturel rehaussé au confluent des eaux abondantes de la Sélune et de l'Airon, le château est pris en 1142 par Geoffroy Plantagenêt, Comte d'Anjou. Trente ans plus tard, Harsculphe II, petit fils du premier, prend part à la révolte de son ami, le jeune Henri, contre son père le roi d’Angleterre, Henri II Plantagenêt. Lors d’un combat sous les murs de Saint-Hilaire, Harsculphe est fait prisonnier. Il rentre en grâce et part aux croisades où il meurt. Sa fille Jeanne en épousant Fraslin Malemains, famille originaire de Bayeux en 1200 assure une certaine stabilité à la ville. Les Malemains vont se maintenir ici un siècle et demi et c'est de là que l'on peut sans doute dater  le début de la prospérité commerciale de la petite ville, qui reçoit dans cette période pas moins de trois monarques : le 18 avril 1256, Nicolas fils de Fraslin accueille Louis IX parti de Paris fin février venu fêter Pâques au Mont venant de Saint-James. On reverra Saint-Louis sur le même trajet en 1263, puis Philippe le Hardi en septembre 1275 et Philippe le Bel le 4 mars 1307, toujours avec les mêmes étapes : la veille au Teilleul, le lendeamain à Saint-James. Les Malemains s'éteignent en 1354. La dernière de la lignée épouse Jean de la Ferrière et en 1401, le fief détenu par son fils Robert (qui va mourir en 1415 à Azincourt) s'étend à Naftel, Mesnil-Bœufs, le Buat, Mesnil-Rainfray, Sourdeval, le Fresne-Porêt. La ville s'est structurée autour de ses foires et marchés, le prieuré ne semblant plus jouer aucun rôle puisqu'en 1256 il n'y a plus que 3 moines lors de la visite d'Eudes Rigault, archevêque de Rouen. En 1263, il n'y avait qu'une seule foire, la Saint-Aubin (1er mars) mais en 1323, les minutes d'un procès avec les moines laissent apparaître les premières lignes officielles sur une « Saint-Martin d'hiver » sans doute récente. C'est le premier texte officiel mentionnant la fameuse foire qui perdure jusqu'à nos jours.  

 

 

 

Partager cet article
Repost0
1 juillet 2006 6 01 /07 /juillet /2006 01:50

  

LE LIVRE "ST HILAIRE AU FIL DU TEMPS DE 1083 A NOS JOURS"

 EST PARU 

CE LIVRE DE 460 PAGES ET 900 PHOTOS EST DISPONIBLE DANS LES LIBRAIRIES ET A L OFFICE DE TOURISME DE TOURISME AU PRIX DE 20 EUROS

VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR CE LIVRE, ADRESSEZ MOI UN MESSAGE 

g.dodeman@wanadoo.fr

 

Dans le livre « Saint-Hilaire au fil du temps » à paraître, je développe très largement les sujets suivants : le duel entre Lucien Lelièvre et Gustave Guérin qui va durer 40 ans – l’affaire des pare balles – la séparation de l’église et de l’état l’arrivée des sœurs clarisses - la menace de destruction de la vieille tour – les bouilleurs de cru – la polémique sur la poste etc

 

Dans le livre « Saint-Hilaire au fil du temps » à paraître, je développe très largement les sujets suivants : le duel entre Lucien Lelièvre et Gustave Guérin qui va durer 40 ans – l’affaire des pare balles – la séparation de l’église et de l’état l’arrivée des sœurs clarisses - la menace de destruction de la vieille tour – les bouilleurs de cru – la polémique sur la poste etc

 

...

 

 

                                   

                                   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                    

                                     L’HISTOIRE DE LA POSTE

                                             A SAINT-HILAIRE 

   C’est au XVIIème siècle qu’un bureau de recette postal est créé à Saint-Hilaire, mais il faudra attendre l’an 1830 pour voir fonctionner un service postal rural. La poste aux lettres  connaît alors un développement considérable, dès lors, l’arrondissement de Saint-Hilaire comprend 26 communes. 

Le premier timbre est émis en janvier 1849, trois ans plus tard, l’administration établit une liste alphabétique des bureaux de postes et distribue à chacun d’eux un cachet oblitérant à chiffres, correspondant au numéro d’ordre. Saint-Hilaire-du-Harcouët reçoit le n° 3114. 

En 1862, une seconde nomenclature reclasse tous les bureaux qui reçoivent un nouveau cachet à chiffres plus grands, Saint-Hilaire-du-Harcouët utilise alors, le n° 3661 jusqu’à la fin mars 1876, date à laquelle le cachet à date le remplace définitivement.

Jusqu’en septembre 1930, le bureau des postes était situé Place St Michel, en haut de la rue d’Avranches, dans un immeuble appartenant à Monsieur Ecolivet, il faudra attendre novembre 1936 après tous les démêlés que nous avons évoqués dans les pages précédentes pour trouver la poste à son emplacement actuel. 

En 1944, la poste ne fut que très peu endommagée par les bombardements, mais elle dut néanmoins déménager provisoirement dans un immeuble appartenant à Mr Feuillet quartier d’Evreu. L’immeuble s’agrandira en 1970 pour faire face à  l’accroissement toujours de plus en plus important du courrier et des colis postaux.

Tout au long du siècle écoulé, la poste a vécu une importante modernisation sur le plan humain et technique.

Souvenons-nous de cette époque où nos braves facteurs assuraient leur service à pied, dans tout le canton, chargés de leurs sacs de cuir, souvent bien lourds. Il fallait être solide pour affronter pluie et neige. Toujours serviables ces braves facteurs on les considérait, on les attendait aussi, ils trouvaient facilement leur nourriture sur leur passage, peut être un peu trop parfois… la fin de tournée était parfois épique, mais on leur pardonnait bien volontiers leur faiblesse devant une telle tache accomplie quotidiennement.

La bicyclette apparue vers 1907-1908 leur apporta un grand soulagement, mais les anciens préféraient souvent continuer leur tournée à pied, se refusant à apprendre à monter « à vélo » il faudra attendre le 15 décembre 1933 pour voir apparaître le premier circuit de poste automobile rurale avec quatre correspondants postaux à Moulines, St Symphorien des Monts, Savigny le Vieux, les Loges Marchis. La plupart du temps le correspondant postal était un petit commerçant de village.

En juin 1952, les communes de Virey, Martigny, Le Mesnillard, Chévreville, Fontenay, la Bazoge dépendant jusqu’alors de Mortain sont rattachées à Saint-Hilaire-du-Harcouët

 Le service des télégraphes fut implanté et mis en service en 1864 à l’Hôtel de Ville, le service téléphonique ne date que de 1909, (en 1913 il y avait 25 abonnés) c’est en 1935 que fut mis en service le téléphone automatique rural. Malgré les nombreuses améliorations apportées tout au long des trente années qui suivirent, le central téléphonique ne donnait plus satisfaction au nombre toujours croissant de ses abonnés. C’est pour cette raison que l’administration des postes jugea opportun de mettre en place en juillet 1960 un standard manuel « multiple », ce nouveau central manuel téléphonique donnait la possibilité d’obtenir une communication plus rapidement que dans le passé et  permettait aux dix téléphonistes d’accomplir leur tache dans de meilleures conditions. Puis ce fut l’automatisation de la zone urbaine en 1971 (345 abonnés pour la cité, et 215 pour la zone rurale), suivie en février 1975 de l’automatisation intégrale  du réseau Saint-Hilairien et du transfert du centre de tri à la Fosse aux Loups en mars 2005.  

 

   Le chapitre précédent nous a montré combien Saint-Hilaire tout d’abord aux alentours de 1830 du fait de la modernisation de l’urbanisme à partir du réaménagement des abords du château puis de son dynamisme commercial, avait pu faire peau neuve. C’est à juste titre qu’Hyppolite Sauvage, à la fin du XIXème siècle pouvait dire que la petite cité était devenue la première de l’arrondissement, devant même son chef-lieu, Mortain. Alors que se lève l’aube du XXème siècle, tout va se conjuguer pour lui donner un plus grand développement encore : sa situation au carrefour des Trois Provinces, la montée en puissance de « l’étoile ferroviaire »  de sa gare, mais surtout l’ex­traordinaire impulsion donnée par son maire, Lucien Lelièvre.   Né le 18 février 1866 dans une famille de modestes commerçants qui tenaient épicerie rue Bergerette, le  destin de Lucien Lelièvre, après son élection (scrutins : 6 et 13 mai 1900, élection le 21) sera intimement lié, en deux carrières strictement parallèles, avec celui de son plus farouche opposant… 40 années durant, Gustave Guérin. Ces deux personnalités résumant toutes les oppositions et contradictions politiques de l’époque, et de ce côté, Saint-Hilaire connaîtra dans le demi-siècle un étonnant résumé, et presque un   « concentré » de toutes les grandes pulsions qui animeront le pays : conséquences politiques de l’affaire Dreyfus, luttes religieuses, implacables saignées de la Grande Guerre, quelques « affaires » retentissantes comme celle des Pare Balles, mutations de l’agriculture avec comme point d’orgue les grands mouvements des bouilleurs de cru en 1935, et pour couronner cette vaste liste : un test politique d’envergure nationale deux ans plus tard, enfin la montée des périls avant le désastre de mai-juin 40. Paradoxalement, c’est là, à l’entrée des Allemands dans notre ville, que s’opérera un rapprochement entre les deux hommes, dicté on s’en doute, par les circonstances. Lucien Lelièvre, mourra un an plus tard, Gustave Guérin, qui attendait depuis 40 ans pourra enfin prendre la place de maire, mais pour s’engager sur la voie dangereuse de la collaboration… Lucien Lelièvre s’était très tôt débarrassé de l’épicerie familiale et destiné à la vie politique. Un moment associé à Paris dans une affaire de bronzes d’art, il s’était, aussitôt élu, lancé à fond dans la gestion de la vie municipale, marchepied sans doute vers de plus hautes destinées. Il brigua rapidement (dès 1907) le poste de conseiller général… mais trouva pour la première fois sur sa route Gustave Guérin… qui prit la place ! S’ensuivirent des dizaines d’années de combat incessant, Guérin étant appelé aux plus hautes destinées… autour de Saint-Hilaire comme parlementaire ou au Conseil Général, Lelièvre restant pour sa part, arc-bouté sur sa mairie. Sa gestion entreprenante et hardie des problèmes communaux, tout autant que son caractère autoritaire voire cassant lui valurent de solides inimitiés.

Lucien Lelièvre avec ses idées même très modérément laïques, ne put jamais viser plus haut que sa ville où ses qualités d’administrateur l’assuraient à elles seules de réélections certes confortables, mais occasionnaient ensuite des luttes épiques avec son opposition cléricale emmenée par Gustave Guérin. On était, dans cette période, « pour ou contre », et guère de place pour les modérés de tous bords. C’est d’ailleurs sur ces idées de la Droite la plus réactionnaire, que ce pharmacien, installé rue Waldeck Rousseau fit ensuite toute sa carrière. Conseiller municipal depuis 1900, ayant arrêté net les ambitions de Lelièvre en 1907 (et jusqu’en 1940) comme conseiller général, il fut élu député pour la première fois le 16 novembre 1919 sur la Liste d’Union Républicaine, puis réélu régulièrement (11 mai 1924, 22 avril 1928, 1er mai 1932 et 26 avril 1936) comme candidat officiel de la Fédération Républicaine. Son activité au Palais Bourbon porta sur des questions commerciales (il combattit la taxation des farines) et, point de passage quasi obligé pour un parlementaire de l’Ouest, sur l’épineux problème des bouilleurs de cru.
 

Lucien Lelièvre était encore maire quand les Allemands arrivèrent à Saint-Hilaire, clin d’œil de l’Histoire, le 18 juin 1940, et sans trop faire de concessions à l’occupant comme le veut l’anecdote qui l’opposa peu avant de s’éteindre, victime d’une crise cardiaque (31 mai 1941) à un jeune médecin allemand qui voulait réquisitionner l’hôpital. « J’ai 73 ans, vous savez et je n’ai jamais obéi à personne » dit-il à l’occupant qui lui rétorqua « d’accord j’ai compris » avant de rendre l’établissement à sa vocation première d’asile de vieux, quelques semaines plus tard. 

Gustave Guérin lui succéda donc le 18 juin 1941, mais pour entraîner la municipalité dans la voie du compromis avec les Allemands, et donc du déshonneur de la collaboration, bien qu’il n’ait pas pris part au vote comme sénateur le 10 juillet 1940 au congrès de Vichy. Destitué le 10 février 1944, il est décédé le 10 février 1949.  

 

 

Partager cet article
Repost0
28 juin 2006 3 28 /06 /juin /2006 15:51

Dans le XXème siècle, l'épisode tragique des bombardements avec ses 35 victimes civiles, ses destructions importantes, a un peu occulté d'autres moments historiquement importants de l'histoire locale de Saint-Hilaire, comme les actions de Résistance ou les combats de la Libération. A la citation de la ville à l'ordre du corps d'armée par Max Lejeune, secrétaire d’État aux Forces Armées le 31 mai 1948 qui résume bien ces « années noires », il convient d'ajouter celle que fit le préfet Lebas lors de sa visite d'adieux à la cité martyre en mai 1976 : « …Cette ville de Saint-Hilaire, pour moi, préfet de la Libération, incarne plus particulièrement l'esprit de la Résistance, car c'est dans cette région que je rencontrais pour la première fois dans le département la Résistance armée ». Pour comprendre cette époque, il faut revenir à 1939, et à la situation de la ville dans un contexte général, habituellement résumé par les historiens sous l'appellation évocatrice de « montée des périls ». Une notion certes générale, mais dont on va voir qu'une petite ville de province n'était pas exempte d'être touchée par les conséquences d’événements, à priori, pour elle bien lointains. 

On a vu au chapitre précédent que les années d’avant-guerre furent assez mouvementées au plan politique. Il y eut bien sûr, une déclinaison locale des événements nationaux, des mouvements sociaux importants, et particulièrement ici, des conséquences des mutations considérables de la sociologie rurale dont le mouvement « bouilleurs de cru » ne fut que le plus évident. Curieusement, les affres d'une situation internationale tendue et complexe firent alors irruption dans notre petite ville dès le milieu de l'année 1939 avec l'arrivée des réfugiés espagnols, mobilisant les débats du conseil municipal, avant que celle des réfugiés du Nord prennent ensuite le relais jusqu'au fatidique juin 40. En fait, on s'attendait à des familles entières là où il y eut surtout des miliciens isolés, ce dont se félicitait d'ailleurs la mère supérieure, disposant ainsi de bras supplémentaires pour les nombreuses corvées afférentes à la marche de son établissement. Par contre, la rumeur publique stigmatisait déjà certaines jeunes filles qui s'en allaient le dimanche danser avec ces étrangers. On verra plus loin, et un peu plus tard qu'il en sera de même avec d'autres « touristes » moins pacifiques habillés de feldgrau… 

Mais revenons quelques mois en arrière. Saint-Hilaire avait appris comme beaucoup la déclaration de guerre par la radio et les journaux, mais surtout par le tocsin. La population, comme en 14, avait accompagné les premiers mobilisés et les épouses en larmes à la gare où ils prenaient le train pour rejoindre leurs garnisons avec les mêmes cris que leurs pères : « on les aura » ! 

Avec le recul du temps, alternant parfois gravité et dérisoire, la « drôle de guerre » rappelait aux plus anciens les affres de l'autre, la « Grande Guerre », avec son train de restrictions. Elle suscitait l'émotion sur le sort des conscrits (400 mobilisés sur la ville), la renaissance d'un sentiment national mis à mal par les grands conflits sociaux de 36, et une société finalement en pleine mutation. 

Juin 40 vint mettre les pendules… à l'heure allemande ! « Ils arrivèrent par la rue d'Avranches, un jour de pluie, c'étaient de grands gaillards, bien équipés, uniformes impeccables, bottes de cuir, alors que nous, nous en étions encore aux brodequins. Ils se dirigèrent immédiatement vers la mairie. Les bureaux étaient en haut, et pour y accéder on devait monter plusieurs marches au-dessus du sous-sol où était entreposé le matériel des pompiers. M. Lelièvre, maire les attendait sur le perron, et un commandant allemand vint lui parler. La troupe remonta la rue de Paris, puis ils firent quelques concerts sur la place ». Peu de temps après, une grosse colonne motorisée de la Wehrmacht traversa Saint-Hilaire venant de Bretagne et partant vers le pont de la Paveille. Quelques Saint-Hilairiens regardaient ce défilé avec curiosité, il n'y eut pas d'incidents. Les premiers contacts furent froids, mais les gens furent assez surpris par la discipline de l'occupant  « … on sentait qu'ils avaient reçu, de leurs officiers, des directives pour être bien admis de la population

Dans un premier temps, le contact avec le troupier de base qu'il fallait héberger (souvent par deux) ménagea quelques surprises. On vit des soldats se précipiter sur les œufs et de gigantesques omelettes qu'ils ingurgitaient en quantités impressionnantes, et la découverte du Calvados (souvent appelé « Kognac ») finit par alarmer le commandement… Beaucoup demandaient aussi des cartes du « kanal » pour s'enquérir de son étendue, semblant persuadés que la conquête de l'Angleterre serait rapide, et la guerre vite terminée. 

Tous ces préparatifs militaires dans le cadre de l'opération « Seelöwe » impliquaient des mesures de camouflage draconiennes. Les rares autos, et surtout les vélos n'étaient pourvus que de faibles lueurs, le couvre-feu étant établi de 21 h à 6 h du matin, et contrôlé par de nombreuses patrouilles. Les contrevenants étant convoqués et sévèrement tancés à la Kommandantur qui siégeait à la mairie. Pour se persuader de toute la rigueur de la discipline allemande, les Saint-Hilairiens n'eurent d'ailleurs pas longtemps à attendre quand, à la fin de l'été, des soldats punis, au retour d'une marche harassante, rue de Mortain, furent  impitoyablement cravachés par leurs officiers ! 

La vie s'organisa donc cahin-caha dans les difficultés liées aux restrictions qui avaient, en fait, commencé dès la déclaration de guerre le 3 septembre 1939. Avec les premières semaines de l’occupation s'institua la présence permanente des files d'attente devant les magasins avec cartes et tickets d'alimentation, la pénurie s’accrut et le « système D » se développa. Les « années noires » si bien décrites par le « Journal » de l'écrivain fougerais Jean Guéhenno accentuèrent alors l'écart ville-campagne, sciemment entretenu ensuite par le régime de Vichy. Les zones rurales, encore bien approvisionnées retrouvaient un nouvel intérêt.  

 Saint-Hilaire, carrefour commercial du Mortainais, au centre d'une étoile ferroviaire importante entre les deux guerres accrut son influence. Aucune automobile ne pouvant circuler sans autorisation spéciale, à l'heure du vélo-roi, le train et donc le quartier de la gare devinrent un des hauts lieux du « marché noir ». Presque un an avant la loi du 15 mars 1942, le Glaneur (18/4/1941) y signale déjà un marché clandestin aux volailles alors que l’officiel était devenu inexistant  et les premiers procès. On parle d'oies qui, de main en main, passent de 350 à 1.000 Francs ! La renommée de Saint-Hilaire s'effectuait dès la gare Montparnasse à Paris où l'on vit des papillons « à Saint-Hilaire, on mange bien ». 

Les voyageurs affluaient par les trains bondés, mais aussi un service de cars, les courriers normands SATOS qui faisaient Caen-Rennes. Une troupe hétéroclite parcourait la campagne, assiégeait les hôtels avec des cageots protégés au fond par une feuille de chou qui accueillaient beurre, viande, recouverts de poireaux et divers légumes - qui eux, étaient autorisés - par dessus ! On donnait la pièce à l'employé de la gare, et le tour était joué ! On constata aussi profusion d'accortes voyageuses en situation intéressante, et en fait enceintes… de jambons ! 

Le traditionnel marché du mercredi perdurait malgré tout, de même que les trois grandes foires : la foire « fleurie » d'avril, celle de septembre, et bien sûr la « Saint-Martin ». On y retrouvait l'incontournable cirque Figuier avec le clown Prosper, et un nom appelé à connaître un grand succès par la suite, Achille Zavatta, dont la famille était locataire chez M. Hédou, à la gare, derrière le salon de coiffure H. Ruault. Des grandes familles de forains, toujours présents à ce grand rendez-vous annuel fréquentaient déjà Saint-Hilaire : cinéma Gazençon, autos tamponneuses Baudes, les Baute, Decroix, Leprince, Michel. 

 

La vie à Saint-Hilaire sous l’occupation (d’après R. Charlot

 

« La proximité de la campagne a permis à chacun des Saint-Hilairiens,  de manger à sa faim, même si nous étions soumis comme tous les Français aux restrictions (pain et viande… en quantités limitées, en échange de ticket d’alimentation). 

C’est dans ce domaine des matières premières et des objets manufacturés que la pénurie se fit le plus sentir... Lorsqu’un adolescent sautait allègrement une ou deux pointures de chaussures, les souliers dont il disposait devenaient inutilisables et nous fûmes nombreux, pendant ces années 43/44, à aller en classe en sabots de bois

Le meilleur moyen imaginé par les autorités d’occupation pour empêcher les Français d’écouter la B.B.C, fut de confisquer les postes de radio. Les Saint-Hilairiens reçurent l’ordre de déposer les leurs. Ils furent entreposés dans le grenier du magasin Lambert, place des Halles. Leurs propriétaires n’ont pas pu les récupérer après la libération car ce bâtiment, s’il ne fut pas détruit, brûla après les bombardements. Un certain nombre de personnes conservèrent cependant leur appareil et purent tout de même recevoir clandestinement les émissions de la radio de Londres. 

De nombreux Saint-Hilairiens étaient prisonniers de guerre en Allemagne et afin de leur envoyer des colis et d’alimenter le « livret du prisonnier » (un livret de caisse d’épargne qui devait permettre à chacun de trouver un pécule à son retour) diverses manifestations artistiques et sportives, tombolas, vente à l’Américaine eurent lieu afin de recueillir des fonds. 

Saint-Hilaire avait la réputation d’être un pays où l’on mangeait bien malgré les restrictions. Cet intérêt pour la table bien garnie a permis à Mr Cauny directeur de la fromagerie de Laumondais de faire venir dans notre cité des tennismen de renommée nationale et internationale. Les courts des Yvets à Parigny eurent ainsi l’honneur de recevoir Henri Cochet, Jean Borotra, Yvon Pétra… ce qui permit d'attirer un public nombreux… au profit des prisonniers. » 

Le 25 avril 1941, c'est le retour de 4 prisonniers blessés, malades (comme Jean Durand, préparateur en pharmacie), cultivateurs ou pères de famille, tandis que la défense passive s'est mise en place à raison d'un homme responsable pour 100 habitants. Dans un vaste mouvement établi autour du retour ou de l'assistance aux prisonniers, l'USH  on le verra plus loin, jouera contre le Stade Rennais. 

Le 7 mai, la nouvelle municipalité Guérin se met en place. 

A la Pentecôte 41, l'impression est malgré tout d’un grand abandon, l'Allemagne, victorieuse partout, sauf en Angleterre, s'apprête à envahir la Russie  « …les temps ont bien changé » soupire le journal, faisant allusion au funeste anniversaire de « juin tragique ». Mais commence aussi à s'entretenir la petite flamme vacillante de la Résistance… 

 

Partager cet article
Repost0
27 juin 2006 2 27 /06 /juin /2006 21:10
                              La Résistance

 

Comme un peu partout en Normandie et en France, malgré l'appel du 18 juin 1940, l'esprit de Résistance mit un peu de temps à faire son chemin. A cette époque où tout le monde, notamment en zone rurale n'avait pas l'électricité, en ville même les récepteurs étaient souvent un luxe, et c'est généralement admis par les historiens, l'appel du Général de Gaulle, dans la débâcle ambiante, ne fut finalement entendu que par peu de Français.

Ce qui ne veut pas dire toutefois que l'esprit de Résistance ne se manifesta pas très vite. Sans doute de manière impromptue, isolée, inorganisée, mais il y eut partout des gestes simples et spontanés d'opposition à l'ennemi séculaire. Dès juin 40, on vit ainsi des pêcheurs granvillais assurer avec Jersey le passage de jeunes gens désirant rallier les Forces Françaises Libres. En août, Gournay, le directeur du journal « Le Mortainais » prit quelques libertés avec la censure, raillant l'envahisseur et fut mis à l'amende, avant de finalement cesser de paraître quelques mois plus tard. Elément intéressant, dès septembre, la Feldkommandantur de St-Lô fit paraître des avis contre les actes de sabotages, ce qui prouve donc bien qu'il y en avait dès les premiers mois de l'occupation. Parmi ceux-ci, le 27/8/40, proche de Saint-Hilaire, à St-Martin-de-Landelles, Isidore Restoux coupa des lignes téléphoniques. 

On le voit donc, plutôt des gestes isolés qui, à partir de 1943 cependant, tendirent à se fondre dans une action unifiée qui donnera sa pleine mesure ensuite pendant la Libération. Saint-Hilaire, dans ces premiers mois de l'occupation montre bien ce foisonnement de personnalités fortes mais agissant séparément, qui vont s'unir ensuite pour libérer le pays. Trois mouvements d'importance inégale, mais tous animés par la haine de l'occupant vont se fédérer autour de trois personnages majeurs pour la suite des événements :

  L'instituteur Jean-Baptiste Etienvre, responsable du réseau Libération-Nord pour le Sud Manche qui va effectuer au mieux la jonction entre une soixantaine de personnes recrutées sur toute la région : Ducey, Juvigny, Saint-James et bien sûr Saint-Hilaire.

  Un groupe indépendant de 3-4 personnes dont Louis Delaunay, Jean Lefeuvre formé autour de André Cheval et Paul Lepenant ayant pour lieu de rassemblement la Petite Bélinière à Virey.

 Et enfin, le plus important, celui d'obédience FTP (communiste) autour de Louis Blouet. Ce dernier a fort bien expliqué son cheminement, à rapprocher de celui de Jean Burgot, dont nous parlons par ailleurs.

 Démobilisé le 20 juillet, Louis Blouet, militant communiste reprend très vite contact avec des camarades de sa région d'origine, Granville, qui sont déjà en possession de tracts anti-allemands tirés par Pierre Havez dirigeant régional du parti, violemment anti-allemand. Il reprend aussi contact avec l'instituteur Louis Pinson en poste à la Haye-Pesnel et tout ce laps de temps, disons de l'été 40 au printemps 41 passe à tenter de renouer avec, soit des anciens du parti, soit des gens de Gauche qui, avant-guerre militaient dans les comités anti-fascistes. Vaste tâche qui s'accompagne, en mars 41 de la fabrication de tracts pour tenter de constituer un groupe étendu. Recherché sur Granville, grâce à une complicité à la sous-préfecture qui détruit son dossier, il travaille sur le port comme docker, sabote des gargousses d'obus, aide au ravitaillement de prisonniers, et arrive à Saint-Hilaire en septembre 41 où son épouse vient d'être nommée directrice du cours complémentaire. Son camarade Pinson venant d'être nommé directeur à Brécey, non loin de là, va permettre une action fructueuse jusqu'à la Libération

A Saint-Hilaire, Louis Blouet se lie rapidement avec le restaurateur Félix L'Huissier dont le beau-père Pinson, sabotier, lui remet deux vieux fusils Mauser à crosse coupée, souvenirs de la guerre 14, qui seront les premières armes du groupe. Deux réfractaires au STO  les rejoignent, ainsi qu'à partir de novembre 1942 le coiffeur Charles Ruault qui habitait Saint-Hilaire depuis peu.

Ainsi, semaine après semaine dans la discrétion, le groupe s'étoffe avec quelques commerçants : le boucher Lemonnier de Notre-Dame du Touchet, le photographe Jean Lefeuvre, les garagistes Michel et Jacques Tostivint, en tout une dizaine de membres. Le 11 novembre 1942, ils font coller nuitamment aux devantures des papillons « courage, nous vaincrons », mais surtout une liaison se fait avec les FTP bretons. Saint-Hilaire est en effet un carrefour important à la pointe du triangle Fougères-St-James où seront très actifs à partir de début 43, les FTP du commandant Pétri et du Saint-Hilairien Julien Lamanilève, et reste à portée de main d'un autre groupe FTP dont on aura bientôt à reparler, celui de Julien Derenne sur Fougerolles. Dans cette période, se nouent également des contacts (notamment à Virey, chez J.M. Levesque) entre Louis Blouet, J.B. Etienvre de Libération-Nord, un jeune médecin Daniel Cuche, et quelques éléments du parti socialiste également clandestin qui se regroupent sur Pontorson et Saint-Hilaire. Si l'union apparaît assez vite primordiale dans l'action, elle ne se fera réellement que quelques mois plus tard, parfois de manière abrupte.

Le tournant de 1943, pour Saint-Hilaire comme pour tout le pays marque le début d’une période agitée, et ici, pour tout dire dramatique, les combats de la Résistance et de la Libération se mêlant à l’épisode tragique des bombardements. Mais il faut, en quelques lignes malgré tout, revenir sur la conjoncture de l’époque. Les revers de la Wermacht à Stalingrad et El Alamein avaient effacé tout espoir d’une victoire rapide chez les Allemands. Mais pour la majorité d’entre eux, les défaites de l’hiver 42-43 n’avaient fait que retarder, peut-être de plusieurs années, la victoire. L’Allemagne nazie s’était en effet préparée à une guerre brève. Et alors que l’Union Soviétique prenait l’offensive au lieu de s’effondrer sous les pertes récentes, qu’il fallait maintenant combattre sur deux fronts en Tunisie, et que les bombardements de l’Allemagne devenaient de plus en plus déterminants, on sentit bien que l’occupant traversait alors une crise qui se dénoua en 1944.

La Résistance on l’a vu, fit beaucoup pour entretenir tout à la fois l’inquiétude de l’occupant, et le moral des occupés, se montrant beaucoup plus active dès que la possibilité d’un Débarquement (et de la Libération) se fit proche. Sans savoir exactement où il s’effectuerait, la recrudescence d’activité début 44 laissait néanmoins présager qu’il ne tarderait pas. « Overlord » nom de code du débarquement allié prévoyait trois plans qui concernaient la Résistance et donc, celle de notre région, à proximité immédiate des accès aux plages : le « plan violet » pour les télécommunications, le « plan vert » pour les voies ferrées, et « tortue » pour le harcèlement des voies de communication.

Fin mai les réseaux attendaient les messages codés. Le 1er juin, les ondes de la B.B.C diffusèrent « l’heure des combats viendra » ce qui voulait dire débarquement sous quinze jours, puis le lendemain « les sanglots longs » qui rapprochait encore l’échéance. Le 4, nouveau message d’alerte annulé ensuite pour cause de tempête, et enfin le 5 le fameux « blessent mon cœur d’une langueur monotone » pour une attaque imminente. La Résistance attendait toujours ses messages spécifiques qui suivirent dans la soirée : « les plus désespérés sont les chants les plus beaux » (plan violet), « les dés sont sur le tapis » (plan vert), et « l’appel du laboureur dans le matin brumeux » (tortue). Ce fut Michel Tauzin, du groupe de Brécey qui alla prévenir le groupe de Saint-Hilaire regroupé sur la ferme de Sérouenne à Martigny, tandis que Louis Pinson avertissait ses collègues du cours complémentaire de Saint-Hilaire. Les résistants du groupe Blouet, au courant dès la soirée du 5 avaient déjà pris les armes disposant en quinconce cinq crève pneus sur la route Saint-Hilaire-Mortain, et se plaçant en embuscade. « Une voiture de liaison arriva bientôt (dit Louis Blouet) un pneu éclata, elle s’arrêta tandis qu’avec les deux vieux Mauser et le Parabellum dont nous disposions, nous lui tirions dessus. Un Allemand fut blessé, mais nous décrochâmes aussitôt car les autres nous lancèrent des grenades, et l’un de nos fusils était enrayé ».

Le lendemain, dans la nuit du 7 au 8 juin, la voie ferrée Saint-Hilaire-Fougères fut plastiquée. Le 9 juin, la route principale d’Avranches n’étant plus suffisante pour assurer le trafic des troupes allemandes, dans la journée le groupe coupa un arbre de 1.10 m de diamètre au Pointon sur la route de Juvigny, opération assez longue car il fallait souvent s’arrêter et dissimuler la coupe lors du passage des convois allemands. Enfin l’arbre s’effondra, et toute la nuit les véhicules vinrent s’entasser les uns derrière les autres, car, aussi curieux que cela puisse paraître, les allemands n’étaient pas outillés pour scier du bois, c'est à la mine et au canon que les allemands tentèrent de se faire un passage et ce n'est qu'à 6 h le lendemain que les premiers véhicules réussirent à reprendre la direction de St Lô, au grand désespoir des résistants. Dans la nuit, Louis Blouet fit prévenir un radio en Mayenne, Londres fut alerté et envoya trois chasseurs-bombardiers qui mitraillèrent impitoyablement la colonne. On dénombra 52 camions et 2 canons de 88 incendiés. Le festival d’explosions dura toute la journée et il y aura beaucoup de morts… Ce fut une des premières actions majeures imputables à la Résistance en Basse-Normandie à partir du Jour J.

Dans le même temps, les rapports noués avec les groupes des départements voisins portaient leurs fruits, et le groupe de Saint-Hilaire toucha ses premières armes issues de parachutages qui avaient eu lieu dans l’Orne : une mitraillette Sten et 20 kgs de cartouches ! du « trop peu » qui incita, le 12 juin, Louis Blouet lors d’une tentative nocturne de sabotage du Pont de Virey à s’introduire dans un groupe d’une trentaine d’allemands bivouaquant dans un chemin creux. Le résistant, emporta  malgré les sommations d’un sous-officier allemand qui, revolver au poing, le sommait d’arrêter… une mitrailleuse MG 42 « Très calmement je poursuivis ma route jusqu’au détour du chemin - précisa plus tard Louis Blouet - et nous nous sommes enfuis à toute allure car l’arme était dépourvue de munitions. Le sous-officier avait sans doute eu aussi peur que moi, et c’est pourquoi il n’avait pas tiré ». 

 

                                            JEAN BURGOT   

 

   Jean Burgot, né à Parigny le 28 juin 1923 est un martyr de la Résistance, qui a donné son nom à une des rues de notre ville, mais qui fut concerné par les actions en Bretagne.

En juin 40 il était à Mayenne quand il vit les premiers Allemands, et refusa d'entrée l'occupation. Revenu à Saint-Hilaire, il sabota des lignes, brouilla des pancartes pour égarer les convois, mais en septembre 43 appelé au STO il dut se camoufler en Bretagne où il rejoint très vite les maquis locaux FTP.

En avril 44, après avoir réceptionné un parachutage il fut dénoncé et pris. Enfermé à la prison du Colombier à Rennes, il y fut fusillé avec 31 de ses camarades le 8 juin 1944. La nuit qui précéda sa mort il put écrire quelques mots d'un extrême courage à sa mère avant de tomber en martyr avec ses camarades sous les balles du peloton d'exécution, en chantant la Marseillaise. La ville de Saint-Hilaire lui fit des funérailles émouvantes le 2 octobre 1944 .

Lettre de Jean Burgot adressé à sa mère le 7 juin « Ma chère maman, je suis condamné à la peine capitale, je vais mourir demain en Français courageux. Je t’aime, je t’embrasse et j’embrasse tous ceux que j’aime. Ton fils Jean. »

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 09:43
Les Bombardements du 14 juin 1944



 Épisode central des années de guerre, les bombardements de Saint-Hilaire, sont aussi, pour cette ville un des événements majeurs du siècle tant ils ont conditionné ensuite, par la reconstruction, le développement de la ville. Il n’y eut pas un, mais des bombardements qui se sont échelonnés entre le 6 juin, et le 6 août même si, bien sûr, la mémoire gardera la date funeste du 14 juin pour les plus importants, et les plus meurtriers.

Les Saint-Hilairiens avaient eu la chance de rester jusqu’à la fin du printemps 44 en dehors de la guerre proprement dite. Il y avait juste eu, le soir du 19 août 42, un couvre-feu anticipé à cause du débarquement de Dieppe, et ensuite la vision, en rangs serrés des « forteresses volantes » qui partaient bombarder diverses villes, et les grondements sourds des premières destructions sur Rennes. Le premier contact avec les réalités de la guerre, encore qu’ils ne soient alors qu’indirects, eurent lieu un soir de fin mai 44. Le car qui assurait le service de Coutances à Saint-Hilaire et qui se garait sur la place du marché aux veaux, devant la mairie, fut mitraillé sur la route par les Alliés, probablement par erreur, les aviateurs l’ayant sans doute confondu avec un transport allemand. 
Le 5 juin, les premières bombes, deux ou trois, tombèrent sur la ferme Delaporte, non loin de Saint-Hilaire, sans faire de victimes. Le lendemain, bien sûr, la nouvelle du débarquement était partout connue.  

Le marché du mercredi 7, interdit par les Allemands, vu les événements, fut néanmoins très actif, beaucoup de gens n’ayant pas eu le temps d’être prévenus. Mais beaucoup comprirent la situation quand on sut, que dans la nuit du 6 au 7, le château du Jardin à l’Ouest de l’hôpital (pris pas erreur pour un poste de commandement allemand ?) avait été visé, et avait perdu toutes ses vitres. Le soir même, à 17h, de grosses unités aériennes, et non plus des chasseurs-bombardiers isolés s’en prenaient à la gare et au pont de la Paveille. Vers 21h les avions alliés revenaient sur la gare et l’actuelle rue Jean Burgot, toutes les vitrines du bas de la rue de Mortain volant en éclats. Ajoutées à l’intense activité aérienne de la nuit, les rumeurs s’amplifièrent et l’abandon de la ville par une grande partie de la population commença comme le confirme encore R. Charlot : « ces bombardements, encore de faible ampleur par rapport à ce que l’on connut ensuite, eurent pour effet d’inquiéter la population, et beaucoup d’habitants quittèrent la ville pour se réfugier chez des amis ou parents dans les communes rurales voisines. Avant de quitter leurs maisons, les habitants, notamment les commerçants pour leurs vitrines, collèrent sur les vitres, de grandes bandes de papier en diagonale pour les protéger des déflagrations à venir, protection hélas bien dérisoire » conclut notre témoin qui partit alors à Virey, comme bien d’autres un peu partout autour «  à la Bénardais, sur Lapenty - signalait Charles Jaunet - 70 Saint-Hilairiens campaient comme ils pouvaient ».  

C’est officiellement à 20 h 15 qu’ont été datés les bombardements qui ont détruit en grande partie, le 14 juin 1944, cette petite cité millénaire.  
Dans l’après midi du 13, les Feldgendarmes allemands avaient réquisitionné sous la menace plusieurs camions, avec leurs conducteurs, soi-disant pour emporter du ravitaillement aux réfugiés de St-Lô. Les rares services restés à Saint-Hilaire attendaient impatiemment de partir, et l’hôpital militaire avait été évacué le 9. Un groupe de prisonniers canadiens avait même été vu dans la matinée, répondant aux sourires cordiaux de la population par le signe discret de la main formant un V symbolisant les espoirs de tous.
Le sénateur-maire Gustave Guérin, dans la réunion exceptionnelle du conseil municipal du 30 juin est très précis « vers 20 h 15, six groupes de chacun six gros bombardiers  passaient sur Saint-Hilaire, tout à coup, une explosion retentit suivie de plusieurs autres (…) je me rendis aussitôt place de la mairie. J’y étais à peine arrivé que de nouvelles explosions retentissaient. Il était 20 h 32 ".  
L’opération menée en fait par des bombardiers moyens lâcha un grand nombre de bombes sur la transversale rue Waldeck-Rousseau, rue de Mortain. Puis elle fut reprise environ un quart d’heure après, sur l’autre axe, rue de la République, rue de Paris. La rue d’Avranches fut, en fait peu atteinte, elle sera le pôle de développement économique et commercial de l’immédiat après-guerre.
Dans cette soirée de juin où le jour s’attarde, le spectacle est dantesque, Gustave Guérin qui se dirige vers la rue de Mortain envahie de fumée rencontre place Nationale le droguiste Laisné qui tient dans ses bras sa fille Yvette très pâle, car grièvement blessée, puis l’épouse du Dr Mosquet, contusionnée, soutenue par son mari. Les secours s’organisent sous la direction de Mme Lehec, et M. Yver galvanise les énergies pour dégager les blessés. Aidé par M. Laisné, (maréchal ferrant) et M. Anfray (marchand de tissus), avec un cric, il parvient à dégager Mademoiselle Dollerie, commerçante qui s’était réfugiée au café Boursin, et qui se retrouve coincée, suspendue par un bras. Par contre, on ne peut plus rien pour la petite bonne de l’hôtel de la Poste où sont également tués deux soldats allemands. Les canalisations coupées ne facilitent pas la lutte contre les incendies, et la pompe à bras a été réquisitionnée par les allemands sur un incendie rue de Paris.  

 

La situation est alors vers 21 h la suivante : il y a trois gros foyers à combattre rue de Paris, rue Lecroisey, rue de Mortain. Les grands magasins Lambert sont en flammes, tous les magasins d’alimentation (Macé, Lecoq, Mme Baubigny) brûlent avec une intensité effrayante, et les scènes tragiques se multiplient. Ici, M. Semery, supplie qu’on l’aide à sauver sa femme cernée par les flammes, là, la défense passive évacue le corps sans vie de Mr Philippe, père du négociant du même nom enseveli sous les décombres avec son employé François Jamont. C’est vers ce moment (21 h 30) qu’on apprend le drame du presbytère : le curé-doyen Roblin  tué avec toute sa famille et des amis dans une tranchée-abri. Seul en réchappa un vicaire, l’abbé Bochef qui a relaté très précisément ces événements « à l’hôpital, le Dr Cuche revenu de Laumondais dès la première vague soignait et opérait. Il le fit toute la nuit, aidé de
l’abbé Jean Gautier, éclairé d’une simple lampe à pétrole ».
Vers 18 heures, la tour Nord de l'église est en flammes, le feu consuma la toiture, les voûtes en lattis, le mobilier, les cloches tombèrent sur le sol, mais des témoignages font état d’un bombardement isolé que certains ont vu allemand, d’autres américain. La maîtrise de l’air alliée tout comme les archives allemandes plaident plutôt pour la seconde, Gustave Guérin certifiant devant le conseil « l’église porte les atteintes indiscutables de deux bombes (…) un cultivateur nous a affirmé avoir vu tomber une bombe quelques minutes avant sur l’église (…) quand j’arrivais dans le boulevard j’appris qu’une bombe avait mis, peu de temps avant, le feu au presbytère dans lequel avaient été placés les corps des 17 morts dont celui de M. le curé-doyen. Grâce à l’initiative courageuse de MM. Cauny, Costard de Saint-Malo, du chef de brigade de gendarmerie et de quelques hommes dévoués, ces corps ne furent pas tous brûlés ». 
Quoi qu’il en soit, l’édifice, orgueil des Saint-Hilairiens, tous les trésors accumulés ici depuis des années disparurent dans l’incendie : les statues des saints furent mutilées, et les cloches précipitées au sol.  
D’autres bombardements suivirent, notamment dans la nuit du 6 au 7 août, cette fois de la part des allemands (qui firent de nouveau 2 morts en ville et 3 en campagne). 
Malgré tout, la date funeste du 14 juin reste retenue par tous comme l’événement tragique marquant pour Saint-Hilaire dans ce siècle. 35 tués furent identifiés, cinquante blessés moyens ou graves furent soignés à l’hôpital, les 4/5ème de la ville étaient détruits. De 300 maisons il ne restait plus que des pierres calcinées, 350 autres étaient démolies, les immeubles épargnés n’avaient plus de vitres, les toits brisés, les portes disjointes. Tous les édifices publics étaient détruits ou gravement endommagés, les canalisations rompues, les lignes téléphoniques coupées, le chemin de fer hors d’usage, les approvisionnements brûlés ou volés par l’occupant. Tout était à refaire, et on se remit donc au travail. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 juin 2006 7 25 /06 /juin /2006 19:15

                                       La Résistance  (suite)

Pendant les bombardements, le groupe de résistance participa au sauvetage des blessés et à la lutte contre le feu, fit la chasse aux pillards, et fit peindre sur toutes les devantures intactes « tout pillage sera puni de mort » signé FFI. Les abattages d’arbres se poursuivirent : le 18 juin, rue d’Égypte le trafic fut ainsi arrêté plus de 3 heures. Le 19 juin, un side-car sauta sur un crève-pneu au pont Saint-Yves où d’autres véhicules furent touchés le lendemain. Le 20 juin, un câble tendu en travers de la route de Saint-Hilaire à Mortain provoqua la chute et la blessure d’un motocycliste allemand. Le 23 juin le groupe constitué de 8 hommes trop faiblement armé (la mitrailleuse MG 42 n’avait toujours pas de munitions) avec une seule mitraillette, au Mesnillard s’attaqua à  forte partie, un convoi de la division SS das Reich qui montait au front. Louis Blouet, blessé au ventre d’une balle de fusil mitrailleur, tenu un moment pour perdu, fut transporté en voiture à cheval à l’école des filles de Parigny par  Monsieur Roussel, boucher de Saint-Hilaire, dissimulé dans un immense panier, sous un drap, avec des tas de morceaux de viande par dessus, exactement comme lorsqu’il faisait ses tournées dans les fermes. Le docteur Maurice Costil, réfugié à Saint-Hilaire transporta le blessé à l’hôpital de Saint-Hilaire qui fut opéré par le docteur Cuche entre deux perquisitions et deux bombardements, puis ensuite emmené toujours par le docteur Costil  dans la ferme de Madame François Martin à Virey. Après cinq semaines de convalescence, il reprenait sa place à la tête de ses hommes. Le 26 juin, un camion fut encore incendié route de Parigny. Du 27 au 30, des tracts furent distribués, le 1er juillet, un car attaqué au Petit-Jésus. En liaison avec les FTP de la Mayenne, des parachutages amenèrent des armes et du matériel, mais trop tard (mi-juillet), pour être efficaces. Lors du dernier de ces parachutages, l’officier britannique  Eric  Hayes fut largué, demandant au groupe de Saint-Hilaire de participer à la mission « Helsmann », de passer, par deux, les lignes américaines afin de servir de guides aux Alliés, après avoir glané tout au long du parcours le plus de renseignements possibles sur les troupes allemandes. Sur 17 équipes, 13 parvinrent à participer ainsi au succès de la percée d’Avranches, décisive ensuite pour l’issue de la guerre. Le 9 juillet, jour de rafle par la Gestapo, plusieurs Saint-Hilairiens sont arrêtés et emprisonnés dans la cave du château de Saint Jean du Corail. Il s’agit de Madame Guérandel, directrice de l’école maternelle publique – MM.  Jafrézic, Secrétaire Général de la mairie de Saint-Hilaire – Georges Lemoussu père, café tabac – Roger Jeanne, directeur d’école et secrétaire de la mairie de Parigny – Charles Fouqué, carrossier – Maurice Jouvencel, négociant en bestiaux. Que reproche-t-on à toutes ces personnes ? qui a donné aux allemands le signalement précis et l’endroit où ils étaient réfugiés ? ce ne pouvait être que sur dénonciation. Beaucoup de Saint-Hilairiens ont pensé qu’il ne pouvait s’agir que d’un assureur nommé G. dont nous reparlerons dans les pages suivantes. Après trois jours d’interrogatoires, les prisonniers sont libérés sauf Charles Fouqué qui est emmené dans la région parisienne. Battu, menacé de mort, il est finalement relâché deux mois plus tard. Le 11 juillet, Jacques Tostivint, René Lepeltier et Roger Blanchais croisent Mr Jaffrézic qui traversait le bourg de Lapenty, la peur au ventre, il venait d’être libéré par les Allemands. Il chargea Roger Blanchais d’aller rapidement trouver Mr Lecapitaine, maire de Parigny pour détruire à la mairie des documents très compromettant pour la vie de Mr Jeanne en cas de perquisition. Saint-Hilaire fut libéré le 2 août au terme d’un bref combat que nous développons par ailleurs, et le 3, un combat commun FFI-Américains contre les Allemands s’engagea brièvement au Sud des Loges-Marchis. La contre-attaque allemande couvait sur Mortain, mais la Résistance locale était très active, littéralement dopée par la présence des Alliés. Dès le 2 août, le postier Louis Launay, de Milly, rattaché au groupe de Saint-Hilaire avait pris contact avec les Gi’S et commençait à assurer la tâche de guide entre Saint-Hilaire et Barenton. Le 4 août, à Saint-Hilaire eut lieu aussi la première entrevue entre le « commandant Eric » (J.B. Hayes) et Louis Blouet, à peine remis de sa grave blessure au ventre, pour améliorer, via les C.I.C,  la coopération entre la Résistance locale et les Libérateurs. C’est ainsi qu’une dizaine de membres du groupe de Saint-Hilaire rejoignirent, le 5 août, avec Eric, la Résistance de Fougerolles pour effectuer jusqu’au 7, des opérations de nettoyage sur les grands axes libérés qui grouillaient encore d’effectifs allemands disparates, en pleine débandade. Beaucoup ne cherchaient qu’à fuir, d’autres, nazis convaincus, n’ayant plus rien à perdre, faisant encore le coup de feu. Le 6 août, dans ce cadre, les Saint-Hilairiens avec les FTP de Louis Lemonnier firent prisonniers 3 soldats ennemis, et dans la nuit un officier de  la troupe d’élite des Fallschirmjäger (parachutistes). C’est dans cette période troublée, où se déroulait également la bataille de Mortain (7-10 août 44) que le groupe Cheval fut également chargé de s’occuper d’un collaborateur notoire dont nous parlons par ailleurs. 

Le département de la Manche fut totalement libéré (Sourdeval et Ger) le 14 août au soir.  

 

COLLABORATION  


Saint-Hilaire, petite ville rurale, loin des grands centres où se développait la vie politique, comme bien de ses voisines, n’a pas vraiment connu la Collaboration au sens où les historiens analysent cette période. La ville s’est recentrée sur l’attente de ses prisonniers, l’activité commerciale qui se poursuivait avec la campagne proche, puis un peu plus avec l’extérieur qu’avant-guerre, du fait des restrictions. 
Toutes les familles qui étaient encore pétries des récits de la Grande Guerre, et de la haine du « Boche » ne pouvaient se résoudre à pactiser avec l’envahisseur. On se toléra donc, mais sans vraiment chercher à se connaître ni à se comprendre. Les services publics, par la force des choses étaient amenés à se côtoyer, mais sans vraiment « collaborer » efficacement. Cela s’est vu par rapport à la Résistance (voir ce chapitre) pas toujours très discrète, mais qui ne fut pas vraiment inquiétée. S’il y eut quelques dénonciations dont nous avons copie, elles furent réduites à néant par des fonctionnaires responsables, sinon patriotes (postiers, élus locaux, gendarmes, secrétaires de mairie). Preuve encore que la collaboration ne fut guère active ici, aucun Juif ne fut déporté du fait des locaux. Mme Piel accueillit deux jeunes Juifs Hollandais que lui avait confiés la Croix-Rouge : Bertie une jeune fille de 19 ans qui parlait parfaitement le Français, et son frère un peu plus jeune dont l’accent pouvait le trahir, qui fut confié à Mme Bodin à la Goberie, et caché souvent dans plusieurs fermes des environs. Un autre Juif, originaire d’Europe centrale, M.Senkman, ancien chef d’orchestre du cirque Figuier, resta caché toute la guerre au café Robert, place de l’Ėglise.Le seul cas, d’ailleurs dramatique de collaboration active, fut celle d’un assureur qui, avant la guerre n’avait jamais fait parler de lui sinon en bien, mais qui marqué par la défaite de 40 estima sans doute qu’il fallait s’inspirer de l’exemple allemand. Le P.P.F de Doriot qui faisait de la propagande avait délégué pour la région son orateur Thurotte dont on trouva souvent le nom « à bas Thurotte » inscrit au carbonyle sur les bords des vitrines de certains commerçants, disons de la « vieille droite », mais qui, finalement n’eurent jamais rien à voir avec la collaboration, et qui, d’ailleurs, ne furent jamais inquiétés.Notre agent d’assurance adhéra à ce parti collaborateur, fit du prosélytisme, mais vit peu à peu se fermer devant lui toutes les portes. Tout le monde s’en méfiait et il courait sur lui des bruits inquiétants. On disait ainsi qu’il aurait dénoncé des prisonniers travaillant à la feldposte (située au Cercle Catholique) pour des propos anti-allemands. Il s’exila avec son épouse, sa fille, et son grand chien à la Havilionnaire en Lapenty où il fut attaqué et blessé par la Résistance (groupe Cheval). Il alla ensuite se protéger près des Allemands qui cantonnaient au château du Bois-Ferrand en Moulines, et les suivit dans leur débâcle, parait-il jusqu’au Rhin où toute la famille périt dans la traversée. A la Libération, on compta sur les doigts d’une seule main les jeunes femmes qui furent tondues pour avoir été trop peu réservées dans leurs contacts avec l’occupant : une serveuse du café de la rue W.Rousseau où ils avaient leurs habitudes, et quelques « pauvres filles » de la rue de Bretagne qui avaient donné dans une collaboration autant « horizontale » qu’alimentaire…

Partager cet article
Repost0
24 juin 2006 6 24 /06 /juin /2006 18:57

La Libération

  

Saint-Hilaire, cité-martyre, a été libérée le 2 août, après de brefs combats dont les péripéties sont cependant nettement moins bien connues que les bombardements du 14 juin. On va y retrouver comme au chapitre précédent, une forte imbrication avec les actions de résistance locale.

Dès le 2 août, le postier Louis Launay, de Milly, rattaché au groupe de Saint-Hilaire avait pris contact avec les troupes américaines signalées entre Saint-Hilaire et Mortain, et commençait à assurer une tâche de guide entre Saint-Hilaire et Barenton. Mais il faut, pour bien comprendre la situation, se placer du point de vue de l’armée US.

Le 1er août, au lendemain de la chute d’Avranches, et de l’entrée en action de l’armée Patton, le général Mac Lain, Commandant de la 90ème division avait reçu l’ordre de s’emparer d’urgence de Saint-Hilaire. Il s’agissait, dans l’esprit des libérateurs, d’élargir la tête de pont et de bloquer toute contre-attaque venant de l’Est.

Cette 90ème division appartenait au 15ème corps du général Haislip, avait failli être dissoute peu de temps auparavant du fait de son manque d’entraînement et donc d’efficacité lors de la bataille des haies autour de St Lô. Dans la nuit du 1er à 23 heures, un groupement aux ordres du lieutenant-colonel Randolph quitta les alentours d’Avranches et se dirigea vers Saint-Hilaire par les routes secondaires et un itinéraire St-Loup, Montgothier, Paindavaine, Isigny. Il anéantit lors de cette avance nocturne quelques petites arrières gardes ennemies entre Marcilly et Montgothier.

Le 2 août, dans la matinée, ils arrivèrent aux abords de Saint-Hilaire côté ouest à la jonction des routes d’Avranches et de Brécey, près du pont de la Paveille, détruit par plusieurs bombardements alliés. Prudents, les Américains s’enterrèrent et positionnèrent leur artillerie. Puis, ils firent avancer précautionneusement des fantassins et des chars légers… aussitôt pris à partie par un canon de 37 et une mitrailleuse Allemande commandés par trois " Felgraus ", cachés par des sacs de terre face à la vitrine du " Glaneur de la Manche ", maintenant " Crédit Mutuel ". Cet avant-poste était en liaison avec un groupe d’une quinzaine de fantassins de la 77ème division postés à l’est, rue de Paris, dans la cour de la graineterie Durand-Duhamel, maintenant Royer. L’officier qui commandait ces deux groupes fut blessé au cours d’une liaison motocycliste.

Tous les témoignages font état de la confusion qui s’était établie dans la nuit. M. et Mme Emile Thoury restés dans leur maison aux Isles pendant tous les événements ont noté " il semble qu’il y avait eu des combats de l’autre côté de la route car il a été trouvé de nombreuses douilles allemandes le long du chemin qui va vers le champ de courses. Au petit matin, on a vu des soldats américains sur la route, et d’autres, en éventail, dans les champs qui avançaient prudemment ".

M. et Mme Bodin à la Goberie qui avaient aussi d’autres réfugiés dont la famille Anger, couchant dans des tranchées à peu de distance de la maison : " la veille, un poste d’artillerie était installé de l’autre côté de la route avec bien 200 allemands campant autour. Vers 2h du matin le 2, ils sont partis précipitamment vers St Symphorien des Monts. A 5 heures du matin, encore 5 allemands venant par les champs sont entrés nous demandant la route de Paris et sont partis comme ils étaient venus ! Vers 7 h des réfugiés couchant dans un chemin creux à côté ont aperçu les premiers américains. Ils étaient 5 ou 6 qui ne se sont arrêtés chez nous que quelques minutes. Les petits groupes se sont ainsi succédés jusque vers 10h, où des motocyclistes sont venus installer un poste téléphonique. Puis à 11h30 un groupe d’officiers dont un colonel. Quelques convois sont passés dans l’après-midi, puis un poste de secours qui donna les premiers soins à une vingtaine de blessés avant de se replier à 17 h. Le lendemain 3 août, des convois sont passés sans arrêt, et une batterie de DCA a été installée ".

René Besnier, qui était chauffeur chez Tostivint, transportait les colis et messages pour la Résistance, sans participer aux " coups durs ", mais avait finalement intégré à partir de janvier 44 le groupe Blouet, et c’est au Petit Jésus qu’il a vu arriver vers 7 h 30 un premier groupe de 2-3 voitures US " il est allé jusqu’à la Paveille, puis il est revenu vers 10h 30 indiquer à un convoi plus important qu’il pouvait avancer, et il s’est installé ensuite au champ de courses vers midi ".

Georges Venisse est sans doute le premier civil qui a vu les Américains dans leur prudent encerclement de la ville, cette fois à l’Ouest " vers 7h30, peut-être même avant cela, une vingtaine de fantassins qui arrivaient par la ligne de chemin de fer, près de la Croix-Planté. J’ai pris la position mains en l’air, et échangé quelques mots avec eux, et ils m’ont donné des cigarettes. Puis je suis parti en courant prévenir le groupe Cheval. Tout le monde a accouru, les fermiers des environs aussi, pour aller au carrefour de la Croix Planté où venaient d’arriver des Jeeps et véhicules légers. C’est seulement à 16 h que je me suis rendu à Saint-Hilaire ".

C’est en fin de matinée que le résistant André Cheval à ce moment sur Virey, envoya une rafale à un motocycliste allemand qu’il rata avant d’apercevoir les Américains qu’il conduisit sur le chemin de la Blutière d’où l’on domine la ville de Saint-Hilaire " ils cherchaient à gagner la ville par le pont de Virey, mais il y avait des tireurs embusqués sur la hauteur qui domine la décharge publique ou plutôt le village de la Motte. Ils sont retournés en arrière pour passer par la Paveille. Il y avait un campement américain, installé au champ de courses, caché sous les arbres. Et au carrefour central des traces de combat et un cadavre allemand près de l’immeuble du Glaneur ". Est-ce le même motocycliste signalé par M. Boulay ? Ce dernier avait aperçu les premiers Gi’s entre 10 et 11 h qui arrivaient à la Besnardière et coupaient la route en creusant une tranchée, la suite est plus extraordinaire " vers 15 h j’ai vu un officier allemand en moto et en casquette venant de Mortain qui est venu à Parigny près de la mairie à moins de 200 m des Américains, et sans plus s’affoler il a fait demi-tour sans se douter qu’à la Datinière arrivait en face une Jeep venant du Petit Jésus et allant vers Saint-Hilaire. Les Américains ont tiré en l’air, l’Allemand a sauté de sa moto et s’est sauvé dans la campagne où il a été abattu. Les Américains ont chargé le corps dans la Jeep. Mais vers 15 h 30 j’ai encore vu 5 Allemands venant du moulin de Parigny tenter d’incendier du matériel abandonné chez M. Gesbert, en face de la chasse du château ".

Les Américains, que l’on avait vus arrêtés vers 10 h par le " bouchon " du carrefour central s’étaient en effet relancés en début d’après-midi, entre 14 h et 15 h tuant l’un des servants du canon de 37 que l’on vient de voir observé par André Cheval. Ils avaient ensuite gagné le centre ville par la rue d’Égypte, les Pare-Balles, le Pont-Rouge, longeant les rives des deux rivières de Sélune et d’Airon qui encerclent la ville.

A 17 h, des combats sporadiques, liés à la résistance du petit groupe de réserve que les Allemands avaient laissé près du cimetière, et soutenus par une batterie de 88 tirant à partir du Douet-Allan amenaient encore des destructions à une ville déjà durement touchée par les bombardements. Vers 23 h, il y eut une violente fusillade aux villages de la " Fosse aux Loups " et des " Routils " en Saint-Hilaire et de " Lugerais " en Lapenty, les derniers postes Allemands furent enlevés au cours de violents combats au corps à corps.

Les sapeurs-pompiers Fredet et Joubin, les gendarmes Poullain et Leroy, aidés de Mme Plançon participent, selon les procès-verbaux de l’époque, " à la lutte contre l’incendie de l’atelier Charlot, rue de la Pêcherie qui prend des proportions importantes et menace de s’étendre à tout le quartier ". Au crépuscule du 2, la ville était libérée, comme en témoigne Gaston Esnault. " j’ai vu les premiers américains vers 15 h, deux officiers qui consultaient une carte rue de Paris aux environs du cimetière, et plus tard route de Savigny près de la maison Carnet ".

Paul Blondel, jeune réfugié à Virey des bombardements de Coutances qui avait été un des premiers à rencontrer les Américains à la Croix Planté atteste lui aussi 8 h 30 ou 8 h 45, et décrit l’étonnement du premier contact " le fantassin débouchait avec beaucoup de précautions d’une haie. Nous courons vers lui, surprise, il parlait Français comme vous et moi ! Quel équipement, léger, avec un sac bien différent du barda du soldat français de 40, et même un téléphone (en fait une petite radio) portatif qui lui permit d’appeler des camarades restés sur la petite route de Naftel ". Il se souvient aussi de sa première descente à Saint-Hilaire le soir à 18 h  " notre premier arrêt fut pour Emile Thoury, resté à son domicile depuis le 6 juin. A chaque passage nous arrêtions, et il fut heureux de nous dire : c’est des gars du Texas ! A Saint-Hilaire, il était interdit d’aller rue de Paris. Les Allemands étaient encore en soirée à Laumondais que déjà, les camions américains défilaient sur deux rangs sur la route de Fougères ".

Le lendemain 3 août en effet, peu après minuit, le général Mac Lain recevait l’ordre du général Haislep de partir ainsi que les groupements Randolph et Clark, d’allonger le front de 12 kms vers Fougères pour occuper Louvigné du Désert, et surtout tendre la main à la 79ème division US, et d'organiser un front défensif sur la Sélune face aux forces allemandes invaincues à l’Est, sage précaution qui se justifiera quelques jours plus tard avec la bataille de Mortain.

Le capitaine Philipp Lewis qui fut un des officiers qui libéra la ville, donnait le 4 à ses parents restés dans l’Indiana un tableau saisissant de la situation " la ville principale a été sévèrement détruite par les bombardements, et c’est un véritable amas de ruines et de décombres. Je doute qu’il y ait une dizaine de bâtiments encore debout ". Et sur l’accueil des Français " le samedi après-midi et le dimanche matin, je fis le tour des communes, drôle de voyage réchauffant le cœur et poignant. De la bonne volonté, du bonheur, de l’espoir, des rires, du soulagement, tout cela était conjugué ".

Partager cet article
Repost0