1083 |
est la date communément retenue de la naissance de Saint-Hilaire. C'est celle, officielle, du moment où s'associent la puissance militaire du duc de Normandie et la puissance économique montante de l'Église avec ses abbayes naissantes. Sur les terres de celles-ci, le hameau de Laumondais et le petit monastère du Prieuré se placent sous la protection du château qui se bâtit à la confluence de deux rivières impétueuses, la Sélune et l'Airon, et rassemble autour de lui peu à peu une nouvelle agglomération. Nous sommes encore loin des villes que sont déjà Avranches, Mortain, voire Saint James , mais tout semble réuni pour favoriser le destin de la petite cité naissante.
Remontons cependant un peu le temps. Contrairement à Avranches, cité gallo-romaine avérée par les textes, mais aussi par les fouilles des XIXème et XXème siècle, rien n'indique ici un antique peuplement. Toute la région a certes été pacifiée et structurée à l'époque gallo-romaine. On y a construit des voies, des relais d'étapes, certainement les premiers défrichements, mais l'anarchie du Bas-Empire a sûrement effacé ou pour le moins estompé ces premiers efforts de civilisation. La christianisation qui se développe au Vème siècle, puis l'administration carolingienne redonnent un cadre à ces populations éparses dont la relative tranquillité est respectée jusqu'à la fin du VIIIème siècle. Ensuite débutent les invasions vikings qui vont remodeler puissamment tout l'Ouest du pays.
Depuis 867, les Bretons sont chargés de défendre le Cotentin. En 911, Charles le Simple décide de vaincre le mal par le mal. Par le traité de St Clair sur Epte, il cède ce qui sera la « Normandie » à un chef Normand, Rolf le Marcheur, le futur Rollon qui accepte le baptême. En 933, son fils Guillaume longue épée obtient le Cotentin et l'Avranchin, à charge pour lui d'en repousser les Bretons qui tentaient d?agrandir leur pré carré. La future Normandie, entre Bresle et Couesnon prend forme. La confluence de la Sélune et de l'Airon est aussi celle de plusieurs anciennes voies très fréquentées qui passent aux pieds de la presqu'île, futur emplacement de la ville.
Le contexte militaire qui a présidé à la fondation de la ville apparaît d'entrée du fait qu'elle ne possède pas de seigneur originel et que Robert Comte de Mortain y nomme directement un de ses compagnons Harsculphe. Dans le même temps pour dynamiser l'établissement naissant, il faisait donner du terrain (une vergée de terre soit 2000 m2, ce qui prouve que le pays n'était guère peuplé), à chaque personne venant s'y établir.
Harsculphe, originaire de Saint-James (fortifiée en 1065), participa à la conquête de l'Angleterre, il signa de nombreuses chartes et mourut sans doute très âgé en 1130.
photo ci-contre : Guillaume le Conquérant entouré de l'Evêque Odon et de son demi-frère Robert, Comte de Mortain, fondateur de la ville de Saint Hilaire (détail de la tapisserie de Bayeux).
LA CHAPELLE SAINT-YVES
LA GUERRE DE CENT ANS
Le fief est revenu aux de la Ferrière qui se ruinent dans les guerres d'Italie et par une vie fastueuse à la cour sous François 1er et Henri II et ils le vendent (3.343 écus) aux de Poilley (1598-1601) grand bailli de Mortain. Le bourg partiellement incendié en 1488 avait été refait, mais manoir et colombier étaient en ruines. Outre le marché du mercredi, on note 4 grandes foires : Saint-Martin, Saint-Blaise, Pâques fleuries et Saint-Gilles. On vit sous la coutume de Normandie avec clameur de haro, droit de justice patibulaire pour un grand fief qui a peu ou prou les mêmes possessions au Mesnil-Bœufs, où les de Goué font aveu, Navetel aux Gosselin, le Fresnet aux Poret, les Brullais en Sourdeval aux Lebreton, le Mesnil-Rainfray aux Guirault.
Militaires et diplomates, les de Poilley étaient des personnages considérables, Jean était le fils d'un colonel d'Henri II mortellement blessé au siège de Poitiers que son alliance avec Jeanne Lemoyne, de Sourdeval, dame d'honneur de la reine Louise avait amené dans le comté de Mortain. Il avait succédé à son beau-père comme grand bailli du comté. Une grosse charge, soit l'exercice au nom du roi de la puissance militaire, judiciaire et en partie financière de toute la région. Jean de Poilley (qui meurt en 1625), gentilhomme de la Chambre, conseiller d'état et privé avait négocié au nom du Roi avec le duc de Mercoeur, représentant la Ligue et en récompense, Poilley avait été érigé en baronnie. Son fils Henri, élevé avec le dauphin, futur Louis XIII, porta l'épée aux sièges de Montauban et de Montpellier. Estropié à vie en 1622 au siège de la Rochelle, tué à Damvilliers en 1637, il avait épousé Jeanne Louise de Péricard dont le père était ambassadeur en Flandres et conseiller d'état du roi. Leur enfant, François (mort en 1677) fut le 3ème grand bailli du nom à Mortain en un demi-siècle avant Louis Henri, marquis en 1691, dont la fille épousa en 1697 Pierre Guy du Bourblanc, marquis d'Apreville.
Si les de Poilley, ont peu résidé au château de Saint-Hilaire, on l'a vu en mauvais état lors de l'achat, ils l'ont assurément rénové et modifié selon le goût du XVIIème siècle, travaux sans doute achevés vers 1650, mais il n'abritait pas grand monde comme le montre ce fait divers de septembre 1641 où un gentilhomme de Condé, le sieur de Samoy qui s'en retournait de Rennes avec une suite peu nombreuse fut pris à partie à l'hôtellerie de la Croix Blanche par une troupe de mauvais sujets entraînés par un angevin nommé d'Aubigny. Ils furent poursuivis jusqu'au château où ils vinrent chercher refuge près de la comtesse douairière Jeanne Louise de Péricard. Il n'y avait avec elle que deux demoiselles, quelques servantes et pour seul homme de la maisonnée, un vieux jardinier nommé Roussel que les malandrins prirent même en otage, le sieur de Samoy ayant heureusement filé à l'anglaise par une porte dérobée…
Saint-Hilaire, s'est particulièrement développé après le rattachement de la Bretagne à la France, retrouvant au plan économique ce qu'elle avait perdu au militaire. Quelques chiffres le montrent : en 1396, Saint-Hilaire n'était sans doute imposé que de 42 livres quand Avranches l'était à 92… mais ses plus proches voisins, Parigny et Martigny ne l'étaient qu'à 20 !
Côté clergé, le 1er août 1696 à l'occasion de la visite pastorale du savant évêque d’Avranches Daniel Huet, il y avait 3 confréries (du St Sacrement, du Rosaire, du Scapulaire) et deux chapelles en exercice : St Blaise et St Yves.
A la fin du XVIIème siècle, on comptait 1.212 habitants et, l'intendant Foucault notait que tous les ponts étaient en bois et en mauvais état, que la réparation des grands chemins s'imposait car ils étaient devenus impraticables, ils empêchaient le transport des denrées et ruinaient le commerce.
A partir de 1750, la population s'accroît fortement comme il n'y a pas d'industries notables et seulement 32 artisans, on peut donc penser qu'avec l'amélioration des voies de communication, les marchés et foires se sont intensément développés, ce que semble indiquer l'imposition des propriétaires de la commune : 90 livres, c'est la plus grosse somme de l'élection de Mortain, loin devant Brécey (30 livres) ou Isigny (12 livres) en 1749.
Dans cette période de stabilité, plusieurs de ses enfants deviendront des personnalités de premier plan :
● Nicolas Montier, curé de 1676 à 1696 qui, de son temps passait pour un saint. ● Jean Pontas (1638-1728) célèbre casuiste.
● Jacques-Anne Lerebours-Pigeonnière (1740-1826), député et longtemps juge de paix du canton. ● Charles Marie du Bourblanc, dernier possesseur du château de Saint-Hilaire.
● François Bécherel, né à Saint-Hilaire en 1732, curé de St Loup et évêque de Valence en 1815 connut la période révolutionnaire.
LA REVOLUTION
Bouleversement à la fois administratif et social, la Révolution ne s’est pas faite au début dans la violence, ni à Saint-Hilaire, ni ailleurs dans ce département dont les trois ordres des bailliages du Cotentin et de l’Avranchin s’étaient réunis à Coutances, dans la nef de la cathédrale, le 16 mars 1789. Ensuite, le changement alla bon train, le Tiers État se déclarant en Constituante le 9 juillet, et les biens du clergé confisqués le 2 novembre pour garantir les assignats.
A Saint-Hilaire, la première séance des citoyens dits « actifs » eut lieu dans la vieille église le 9 décembre 1790 sous la présidence du notaire Denis Bréhier qui devint le premier maire « républicain », succédant à Jacques-Anne Lerebours Pigeonnière, premier « maire » à l’établissement des municipalités en 1787. M. Lerebours, qui était avocat depuis 20 ans au bailliage, devint membre de la première administration départementale, juge au District de Mortain, et le 10 septembre 1791 député à l’assemblée législative.
Les premières déclarations, toutes empreintes d’Égalité et contre « le préjugé barbare de la naissance » suffirent à alarmer une ancienne noblesse encore bien présente, les Corbelin ou Corbin, Fortin, et bien sûr le seigneur du lieu, Charles Marie Henri du Bourblanc d’Apreville, officier de Marine qui s’était marié un an plus tôt (16 mars 1790) avec la fille du marquis de Géraldin, grand bailli de Mortain et dont les possessions s’étendaient sur Buais, Saint Symphorien, Lapenty. Il émigra donc en 1791, sage décision, pour ne revenir à Saint-Hilaire que onze ans plus tard en 1802. On verra par la suite, à la Restauration, après son décès que c’est, des dispositions prises sur son ancien domaine que se dessina le visage du Saint-Hilaire d’aujourd’hui.
Le curé Crespin qui attendait le doyenné depuis 1783 s'est prononcé résolument contre la Constitution civile du clergé, tout comme les autres prêtres du canton. Le 13 août 1791, à la faveur d'un orage, le doyen et ses vicaires s'échappent secrètement vers la Grande-Bretagne, tout comme le châtelain du Bourblanc.
LA CHOUANNERIE
En octobre 1793, Joseph Bécherel, Président des administrateurs du district de Mortain, intima l’ordre à Denis Bréhier d’effectuer l’inventaire du château du « ci-devant du Bourblanc, émigré ». En avril, il avait fallu procéder de même pour la vente du mobilier laissé au château du Jardin par Madame de la Champagne, elle aussi partie à l’étranger. A la fin de cette « année terrible » 1793, ce fut le passage de l’armée vendéenne dans sa fameuse « virée de Galerne » qui mit en ébullition toute la région, mais épargna Saint-Hilaire puisqu’elle passa à l’aller par Fougères - Saint James –Pontorson - Avranches avant de buter sur le siège de Granville, puis Granville – Avranches – Pontorson – Dol - Antrain, au retour.
A la disette, s’ajoutèrent ensuite les affres de la guerre civile (1) et les combats de la chouannerie naissante. Prêtres « intrus » et « réfractaires » se disputèrent les faveurs de la population, largement fidèle en fait à la foi de ses ancêtres. Saint-Hilaire fut marquée par l’apostolat clandestin du curé Prével, tué plus tard en 1795 aux Biards, et, c’est dans ses murs que vint agoniser mi-1794 l’abbé Guérin, malade, intercepté chez lui au Mesnil-Thébault par les patriotes de Virey. Les campagnes étaient largement acquises à la cause royaliste, les communes, et plus encore les chefs-lieux, dotés d’une Garde Nationale, milice communale active sillonnèrent en tous sens la région, et en particulier les « colonnes mobiles » constituées de leurs éléments les plus jeunes et les plus motivés. Ils furent donc en première ligne lorsqu’il fallut affronter les Chouans comme en 1797, où au nombre de 300, les Républicains Saint-Hilairiens tentèrent de bloquer Saulcet, un lieutenant de du Boisguy faisant halte au Mesnil-Bœufs avec un chargement de munitions débarquées par les Anglais entre Carolles et Granville. Alertés par le tocsin qui battait sans cesse aux alentours, les chouans montèrent une embuscade meurtrière au Petit-Jésus, et les territoriaux formant la tête de colonne, en se rejetant avec précipitation sur les troupes de ligne, les entraînèrent dans leur déroute jusqu’à Saint-Hilaire.
Toute cette période a marqué la mémoire populaire, largement enjolivée par la légende, voire l’imagination d’écrivains féconds. C’est au Chêne-Cornard, entre Martigny et la Valtorine en Parigny que l'on place l'épisode fort controversé de l’assassinat du laboureur Boutry dont le méchant républicain Lalonde convoitait la chaste fiancée. Et sur la route de Saint-James, au Vérolay (actuellement la carrière du Vauroux) l’éminent historien, le chanoine Bindet de Virey a fait litière du joli conte de la « roche » ou de la « tonnelle aux Chouans », né sous la plume, en 1887 de l’homme de lettres Henri Datin. Là aussi, il s’agit d’une idylle contrariée, et se terminant tragiquement entre un noble émigré, revenu chouanner au pays et une promise poursuivie par les assiduités d’un ignoble patriote, et qui préfère rejoindre l’élu de son cœur dans la mort. « Que l’histoire est donc difficile à établir lorsque les romanciers s’en mêlent » put ajouter l’érudit historien de Virey, faisant remarquer que Barbey d’Aurevilly avait employé les mêmes procédés pour magnifier le rôle du chevalier des Touches… En 1799, les Chouans menaçaient malgré tout encore la ville, en témoignent plusieurs lettres de l’administration municipale qui, en 1800 passa sous l’autorité du Docteur Jean-Marie Delaroche. Le danger s’éloignait cependant, et la nouvelle municipalité put se préoccuper des écoles et de rétablir les finances locales. Le concordat (1801) apporta progressivement la paix religieuse, et le retour du seigneur de Saint-Hilaire en 1802, qui, devant son château ravagé par toutes ces années de trouble, se retira à Saint Symphorien où il devint d’ailleurs maire (22 septembre 1811). C’est de cette période, (municipalités Lebel jusqu’en 1814, puis Jean-Marie Delaroche en 1815) que s’est dessiné le futur centre ville de Saint-Hilaire avant, bien sûr, les funestes bombardements de juin 1944. Les ecclésiastiques qui avaient échappé à l’exil firent petit à petit leur apparition, la vie allait retrouver son cours normal, on rouvrait les églises. Celle de Saint-Hilaire était en très mauvais état, deux des trois cloches avaient disparu dans la tourmente révolutionnaire, réquisitionnées par la nation pour en faire des canons. Le presbytère avait été affermé en 1801 comme propriété nationale pour neuf années si bien que la municipalité fut obligée de louer une maison sise au bas du marché aux vaches, en face de la rue des Morts pour y recevoir le clergé.
LE DERNIER CHÂTELAIN
Rue du château, place de la Motte, rue St-Blaise, des noms qui peuvent étonner les visiteurs curieux de notre petite ville car ils rappellent l'Ancien Régime, mais à Saint-Hilaire, celui-ci est moins loin qu'en d'autres lieux car la ville a conservé son châtelain jusqu'en 1839, ce qui n'est pas si ancien. Il se nommait Charles-Marie du Bourblanc d'Apreville, marquis, descendant d'une famille qui détenait le domaine de Saint-Hilaire depuis 1697. Né le 30 novembre 1766, il se maria le 16 mars 1790 avec Antoinette de Géraldin, une des filles du grand bailli de Mortain apportant en dot un fief important qui rassemblait autour du château de St-Symphorien, Buais et Lapenty. Le couple, sans enfant, habitait alternativement les deux châteaux. Saint-Hilaire cependant ne pouvant rivaliser avec la demeure des de Géraldin.
Le château de Saint-Hilaire au Nord, gardait quelques traces des anciennes constructions du XIVème siècle, et au centre un corps de logis Louis XIII à grosses pierres apparentes. « L’ensemble du château avec ses quatre grosses tours, une à chaque angle avait bon aspect, mais les murs de granit roux foncé le rendait de sombre apparence » dit H. Sauvage dans la Revue du Mortainais (1913). En revanche, le corps central était composé de pierres biseautées de grand appareil en beau granit bleu. Devant, était l’emplacement de l’ancienne motte féodale (la place de la Motte, les parkings actuels juste devant l’église), propriété exclusive du seigneur qui l’ouvrait au public pour les marchés parce qu’il en prélevait les droits de place, mais la fermait aux voitures. On y entrait par deux portes : une vers l’entrée de la rue de la Motte, l’autre du côté de la rue des Morts. Derrière le château il y avait ce qu’on appelait « le Domaine » : jardins potagers et d’agrément, douves à sec, cimetière et chapelle St-Blaise (détruite vers 1815) dans le jardin du presbytère qui aboutissait au chemin de Savigny, aux environs de la moderne école des Frères. Cette vaste propriété allait du chemin de Savigny jusqu’à ce qui est maintenant la rue de Paris, et la pointe des boulevards qui furent tracés en 1845. Charles-Marie du Bourblanc petit homme maigre qui avait été officier de marine, était particulièrement apprécié de la population et ne fut pas inquiété à la Révolution. Son père Pierre-François-Marie émigra au tout début de la Révolution, et lui avant fin 1792. Le maire de Saint-Hilaire, Charles Victor Lebel était un modéré qui lui donna même un passeport pour gagner la côte sous des habits de paysan. Mieux même, reconnu à Pain d’Avaine par le capitaine de la Garde Nationale, Miquelard, il ne fut pas arrêté tant il était estimé dans tout le pays, même au-delà de Saint-Hilaire. Il rentra en Normandie en 1802, ayant chouanné avec de Frotté, chevalier de St-Louis. L’inventaire du château en 1793 montre cependant que Saint-Hilaire n’était qu’un pied à terre. Trois domestiques le gardaient encore, literie et vaisselle étaient médiocres. Il en était tout autrement à St-Symphorien où on trouva beaucoup d’argenterie. Après la Révolution, le château fut loué à la ville qui y installa la mairie et le collège, et le seigneur de Saint-Hilaire n’est cité ensuite que le 2 août 1828 pour la pose de la première pierre de l’hôtel de ville tout neuf qui se situait à l’emplacement actuel du cinéma Rex. La marquise d’Apreville, ceinte d’un tablier de satin blanc y officie avec une truelle d’argent et un petit marteau du même métal. Elle mourut le 31 mai 1834 à l’âge de 58 ans, à Mantes, dans la région parisienne, de la variole, selon le chanoine Pigeon. Son mari, le vieux marquis, résidait alors à St-Symphorien, mais venait régulièrement à Saint-Hilaire, notamment le mercredi, jour du marché où il aimait se faire inviter à la table de ses amis. Fantasque, il en intriguait plus d’un quand il invitait à St-Symphorien, où il avait pour compagnon un grand singe en jaquette rouge et tablier blanc qui suivait en tout, les gestes des domestiques ! C’était tout simplement la mode de l’époque, comme maintenant celle des serpents ou des mygales !
Il mourut le 7 janvier 1839 à Paris, des suites d’une opération de la gravelle (lithiase urinaire). Comme il n’avait pas d’enfant, les biens, côtés St-Symphorien, donc de sa femme, allèrent à Madame de Villiers (née Marie-Anne de Géraldin) et pour Saint-Hilaire, à des cousins qui le revendirent 170.000 Francs au marchand de biens Abel Cahour. Il s’empressa de donner à la Fabrique l’emplacement pour construire l’église neuve, et à la Ville, tous les terrains nécessaires au tracé des Boulevards actuels : de l’Est et du Centre que l’on appelle actuellement Victor Hugo et Gambetta. Les derniers pans de murs du château restés debout avaient été démolis par mesure de sécurité en 1863
De 1812 à 1820, d’importants travaux furent effectués : · restauration de l’ancien presbytère, près de la vieille tour en 1812. · début du percement de la grande route Saint-Hilaire-Domfront en 1817 et démolition de la chapelle Saint Blaise et du cimetière attenant, ce dernier sera transféré le 15 novembre 1821 à son emplacement actuel, rue de Paris. · construction du pont d’Airon en 1819.
Tous les maires : Pierre Lerebours-Pigeonnière (1819), Ruby (1821), Jenvrin (de 1825 à 1830) se préoccupèrent alors d’un urbanisme galopant lié à la démographie (2.400 habitants en 1818, 3.975 en 1845) et à l’industrie naissante. Les premiers travaux d’adduction d’eau datant de 1828, tout comme la pose de la première pierre du nouvel hôtel de ville le 2 août à l’emplacement actuel du cinéma « Rex ». L’année suivante, l’eau jaillissait du bassin central.
A Saint-Hilaire, la chapelle Saint-Yves, nous ramène en un temps où la route d’Avranches à Granville ne passait pas aux Iles, mais justement ici, après Marly. Dans la période médiévale, Saint-Hilaire, sur la butte au confluent de la Sélune et de l’Airon était protégé, surtout l’hiver par les marécages entourant la ville. C’est donc ici, au Pont Saint-Yves que l’entrée Nord de la ville rejoignait tout à la fois l’ancienne voie romaine de Corseul qui passait à Parigny et surtout plus haut, après le Chêne Cornard vers Martigny l’ancienne voie séculaire dite « de Brunehault » également chemin montois, venant de Barenton et allant vers Avranches via « le Grand-Chemin » . Tout donne d’ailleurs à penser, pour les raisons énoncées plus haut (marécages, manque de place sur la butte autour du village et du donjon) que les premières « St-Martin » eurent sans doute lieu là-haut dans les grands champs jouxtant Martigny avant de rejoindre la ville mieux organisée pour la période médiévale. La St-Macé de St-James fit d’ailleurs un peu de même. Ce point stratégique que l’on passait sans doute d’ailleurs à gué primitivement, fut nanti d’un pont de bois, sans doute plusieurs fois coupé et reconstruit souvent lors des guerres, et d’une chapelle construite selon Desroches fin XIVème siècle et donc contemporaine de celles d’Isigny et de Villechien. Comme elles, elle relèvent de la réorganisation tridentine de l’Église après les guerres de religion visant à « occuper le terrain » . Elle relevait du seigneur du lieu pour la présentation, et la paroisse s’y rendait de temps immémorial en procession le mardi des Rogations (cette coutume a subsisté jusqu’au départ du chanoine de Brix en 1969). Elle tomba vite en désuétude car l’évêque Daniel Huet d’Avranches lors de sa visite pastorale du 1er août 1696, venant de Savigny signalait bien « nous a été dit que dans la paroisse il y a deux chapelles celle de Saint-Blaise, et celle de Saint-Yves sur la Sélune ; les avons interdites à commencer au jour Saint-Michel prochain, jusqu’à ce que les titres nous en aient été représentés » . Ces visites pastorales veillaient à mettre de l’ordre dans le fonctionnement des paroisses, à vérifier le bon état des bâtiments et des ornements sacerdotaux, et surtout veiller à l’encadrement des fidèles. La profusion de chapelles vaguement desservies, attachées à certaines superstitions, quasi « autonomes » n’étaient pas faites pour arranger les diocèses qui reprenaient tout en mains. Assez éloignée, d’accès malaisé cela accentua sans doute sa ruine. Sous l’Empire la route était dans un état déplorable, et le pont tellement vermoulu que deux habitants de Virey faillirent perdre leurs chevaux, enlisés, en voulant passer à gué dans un pré voisin ! Fin XIXème elle était à l’état d’abandon, et Louis Jenvrin dont les propriétés étaient contiguës proposa de la restaurer à ses frais, mais l’administration communale s’empara de l’affaire. Finalement les familles Saint-Yves et Lehaguais réclamèrent et obtinrent l’honneur de relever les murs de l’édicule sacré bien remis en valeur depuis le remembrement de 1990. Même s’il n’est plus en usage à la paroisse depuis la guerre, il symbolise bien, à une de ses entrées, le riche passé spirituel de la cité Saint-Hilairienne.
"Avec sagesse et prudence, comme c'est l'habitude dans l'Église, on a décidé de consigner dans des écrits dignes de foi, les événements la concernant, pour les transmettre à la postérité. C'est pourquoi nous avons eu la pensée de faire savoir que Robert, comte de Mortain, frère de Guillaume, roi d'Angleterre et duc de Normandie, a fait construire un château fort sur la terre de Sainte-Marie et de Saint-Benoît, le confesseur. Pour que les religieux y vivent librement, le dit comte leur a reconnu la dîme des bourgeois de toute la ville, avec toutes leurs coutumes. Pourtant le dit comte se réserve le droit de s'héberger chez les habitants en cas de nécessité avec l'autorisation des religieux. En outre, il leur a reconnu toute la dîme des revenus des foires et marchés et cela librement et sans entraves, pourvu qu'ils ne quittent pas le pays. Les religieux ont, dans le château, la mouture des moulins, les revenus des fours, tout ce qui dépend de l'Église, à savoir la dîme, les sépultures et les autres oblations habituelles. Puisque les religieux étaient possesseurs du terrain, avant la construction du château, le dit comte leur a reconnu cette propriété comme s'il avait construit le château pour eux, et le nom du château est celui de Saint-Hilaire. Les religieux donneront à tous les bourgeois qui viendront s'y fixer, une verge de terre pour s'y installer.
Michel, évêque d'Avranches a donné son consentement conformément à la justice et à la loi, avec le consentement du roi Guillaume, de Robert fils du roi, de Gilbert évêque de Lisieux, Robert comte de Mortain, Hugues abbé de Cerisy, Guillaume fils du roi, du vicomte Eudes. Au dos de l'original on a écrit : cet acte a été fait du consentement et par ordre du sire Guillaume, roi d'Angleterre et duc de Normandie, l'année de l'Incarnation du Seigneur MLXXXIII, la dix huitième année de son règne." Pour confirmer cet acte, il l'a signé de sa propre main et scellé de son sceau ; avec l'assentiment de ses fils, Robert et Guillaume qui ont eux-mêmes signé, le V des ides de janvier.
Malgré ses qualités défensives, inaccessible côté Bretagne sur son escarpement naturel rehaussé au confluent des eaux abondantes de la Sélune et de l'Airon, le château est pris en 1142 par Geoffroy Plantagenêt, Comte d'Anjou. Trente ans plus tard, Harsculphe II, petit fils du premier, prend part à la révolte de son ami, le jeune Henri, contre son père le roi d’Angleterre, Henri II Plantagenêt. Lors d’un combat sous les murs de Saint-Hilaire, Harsculphe est fait prisonnier. Il rentre en grâce et part aux croisades où il meurt. Sa fille Jeanne en épousant Fraslin Malemains, famille originaire de Bayeux en 1200 assure une certaine stabilité à la ville. Les Malemains vont se maintenir ici un siècle et demi et c'est de là que l'on peut sans doute dater le début de la prospérité commerciale de la petite ville, qui reçoit dans cette période pas moins de trois monarques : le 18 avril 1256, Nicolas fils de Fraslin accueille Louis IX parti de Paris fin février venu fêter Pâques au Mont venant de Saint-James. On reverra Saint-Louis sur le même trajet en 1263, puis Philippe le Hardi en septembre 1275 et Philippe le Bel le 4 mars 1307, toujours avec les mêmes étapes : la veille au Teilleul, le lendeamain à Saint-James. Les Malemains s'éteignent en 1354. La dernière de la lignée épouse Jean de la Ferrière et en 1401, le fief détenu par son fils Robert (qui va mourir en 1415 à Azincourt) s'étend à Naftel, Mesnil-Bœufs, le Buat, Mesnil-Rainfray, Sourdeval, le Fresne-Porêt. La ville s'est structurée autour de ses foires et marchés, le prieuré ne semblant plus jouer aucun rôle puisqu'en 1256 il n'y a plus que 3 moines lors de la visite d'Eudes Rigault, archevêque de Rouen. En 1263, il n'y avait qu'une seule foire, la Saint-Aubin (1er mars) mais en 1323, les minutes d'un procès avec les moines laissent apparaître les premières lignes officielles sur une « Saint-Martin d'hiver » sans doute récente. C'est le premier texte officiel mentionnant la fameuse foire qui perdure jusqu'à nos jours.